On ignore encore combien de victimes toucheront une indemnité. Jusqu’à présent, une centaine d’hommes qui ont fréquenté le collège privé de Sainte-Anne-de-Beaupré – aujourd’hui fermé – se sont inscrits au recours collectif.
L’avocat des victimes, Me Robert Kugler du cabinet montréalais Kugler Kandestin, qualifie de montant «énorme» la somme obtenue.
En guise de comparaison, les 206 victimes de sévices sexuels dans le dossier des Frères Sainte-Croix, qui comptait 40 agresseurs, avaient obtenu 18 millions $.
L’entente sera présentée officiellement au juge Claude Bouchard de la Cour supérieure d’ici un mois afin d’être ratifiée.
Par la suite, la congrégation émettra un chèque de 20 millions $ qui sera confié à un adjudicateur, un juge retraité qui reste à être désigné. Les états financiers des Rédemptoristes ont démontré que cette somme était disponible, ajoute l’avocat des victimes.
Une fois le versement fait, les Rédemptoristes seront exclus du processus de réclamation, insiste Me Robert Kugler. «Ils ne sont plus là du tout, dit l’avocat. Ils ne pourront pas interroger de victime, contester une réclamation ou réclamer une expertise médicale.»
Chaque membre du recours collectif remplira une déclaration assermentée décrivant les agressions subies. Cette déclaration sera examinée par l’adjudicateur.
Élément central du règlement, la prescription est complètement évacuée du débat et ne viendra nuire à aucun membre.
Au printemps 2013, le gouvernement du Québec a fait passer de 3 à 30 ans le délai de prescription permettant à une victime d’intenter une poursuite civile contre son agresseur. Mais le délai de trois ans demeure inchangé pour toutes les victimes agressées avant l’entrée en vigueur de la loi. Le jugement du juge Claude Bouchard prévoyait que chaque membre du recours collectif devait démontrer pourquoi sa démarche n’était pas prescrite. Ce ne sera plus nécessaire grâce au règlement intervenu entre les parties.
L’Association des victimes de prêtres applaudit ce règlement, qui vient raccourcir de beaucoup les délais.
Mais il est urgent, plaide le porte-parole Carlo Tarini que, comme dans le dossier des Rédemptoristes, le délai de prescription soit aboli pour toutes les victimes d’agressions sexuelles, passées comme futures.
«Des centaines et des centaines de victimes de prêtres attendent ça pour aller devant les tribunaux réclamer la justice, affirme Carlo Tarini, porte-parole de l’Association. Pourquoi maintient-on une législation qui a été changée dans les autres provinces?»
Les Rédemptoristes devront faire des sacrifices et possiblement vendre des actifs pour réussir à indemniser les victimes, estime leur avocat.
Débourser 20 millions $ pour les victimes de neuf prêtres pédophiles du Séminaire Saint-Alphonse ne se fera pas sans douleur pour la congrégation toujours basée à Sainte-Anne-de-Beaupré.
«C’est malheureux parce que ce sont des sommes considérables, souligne Me Pierre Baribeau, du cabinet Lavery De Billy. Mais on a conclu le règlement pour simplifier les choses pour les victimes et pour que les 140 religieux qui n’ont rien à voir avec tout ça soient libérés de cette affreuse histoire.»
Même si les états financiers laissent entendre que la congrégation a les ressources pour payer la facture, des actifs seront liquidés, assure Me Baribeau, et des activités réduites.
Selon leur avocat, les Rédemptoristes restent déçus du jugement du juge Claude Bouchard, qui n’a pas retenu les versions des dirigeants religieux qui disaient ignorer tout des agressions. «Mais ils sont soulagés que ce soit terminé rapidement», ajoute Me Baribeau.
L’avocat de la congrégation estime qu’une entente aurait été possible avant le procès. «On avait offert un montant substantiel, affirme-t-il, sans divulguer le montant. Mais on a obtenu une fin de non-recevoir.»
Les avocats des victimes voulaient aller à procès, croit Me Pierre Baribeau. «Mais je ne suis pas certain qu’ils ont accompli beaucoup plus, à part sur la place publique.»
Pas de lettre d’excuse prévue
Les victimes des Frères Sainte-Croix ont reçu l’été dernier, en même temps qu’un chèque variant de 10 000 $ à 250 000 $, une lettre d’excuses signée par le supérieur provincial. Le frère Jean-Pierre Aumont demandait pardon «pour la souffrance causée par les enseignants et le personnel qui détenaient un poste de confiance et d’autorité auprès des élèves. De tels actes n’auraient jamais dû survenir». Les avocats des victimes ont confirmé au Soleil mardi que rien dans l’entente signée lundi ne prévoit une telle lettre d’excuses de la part des Rédemptoristes.