Les cadenas de l’asile

Les cadenas de l’asile

 

En solidarité avec Françoise Sullivan, présente dans la salle et signataire du Refus global en solidarité avec les Orphelins de Duplessis rejetons de parents défaits et autres robes inconnues nés du péché des chairs surveillées nous étions «serrés de près aux soutanes»1aujourd’hui comme hier, sujets interdits nous sortons du trou noir de nos secrets de famille «au Québec, rien n’a changé»2 Jadis, mains et pieds liés au mystère de la miséricorde jadis, tremblant dans le lit des électrochocs écervelés jadis, un mur opaque près de leur coeurs subventionnés loin de la magie berceuse de l’enfance fulminaient les chaises de l’ennui engoncés dans la camisole de nos cellules de force rêvions aux culottes courtes et aux cordes à danser de nos étés ludiques dans l’air irrespirable et blanc dans le démantèlement de nos pas nos yeux ne savaient plus où s’accrocher bras ballants de torpeur derrière le grillage des jours assassins

Toujours amis du régiment des bonnes œuvres ponce-pilâtes modernes et froids connaissent par cœur notre petite musique de désastres ils contemplent nos plaies béantes ignorées, innommées, anonymes fatalité plus forte que la charité capitaliste notre drame s’étouffe dans la mémoire officielle nous vivons dans un drôle d’état si le modèle québécois s’appelle Duplessis nous le retournerons aux égouts de l’hypocrisie oh! cruelle société distincte acharnés à scier les barreaux de l’histoire nous puisons nos lumières, sachez-le dans la réserve de nos débrouillardises analphabètes nos consciences sont plus fortes que la folie des marteaux héritiers de l’asile et du cadenas nous, les recalés de l’intelligence nous sommes encore à vaincre la grande noirceur seule la naissance dure j jusqu’a la fin de nos jours. assez, les stigmates des faux-papiers assez, la dictature des compassions assez, le silence stérilisé du mépris aujourd’hui «aux ramifications profondes et courageuses»3 nous existons contre leur volonté de nous voir mourir à nouveau place à la vérité place à la réparation place à la justice Bruno Roy

Festival international de poésie Trois-Rivières 8 octobre 1999