Publié le 24 septembre 2013 à 11h09 | Mis à jour le 24 septembre 2013 à 11h09
Daniel Jacoby (1941-2013): le protecteur du citoyen
Jamais un protecteur du citoyen n’aura été aussi connu. De 1987 à 2001, il avait même un nom: Daniel Jacoby.
Daniel Jacoby naît en pleine Seconde Guerre mondiale à Bordeaux. Dans la France d’après-guerre, ses parents peinent à trouver du travail. La famille s’exile alors quelques années en Égypte, puis immigre au Québec. Daniel Jacoby a alors 11 ans.
En 1968, il obtient une maîtrise en droit et se spécialise dans le droit civil. Me Jacoby l’enseignera à l’Université de Montréal, où l’ancien ministre de la Justice Herbert Marx l’a connu.
«À l’époque, il y avait des professeurs de droite et des professeurs de gauche, se souvient l’ex-collègue. Entre les deux, il y avait Daniel Jacoby. Il avait toujours une opinion un peu différente de celles des autres!»
Daniel Jacoby a été sous-ministre de la Justice de 1980 à 1987, année où il est nommé protecteur du citoyen. Sa plus grande contribution aura été son rapport sur les orphelins de Duplessis en 1997.
Daniel Jacoby et Lucie Lavoie ont travaillé ensemble 14 ans au bureau du Protecteur du citoyen. Mme Lavoie s’est notamment occupée du dossier des orphelins de Duplessis et s’en souvient encore très bien. «On a réussi à mettre beaucoup de baume sur les plaies de ces gens-là. On n’a pas tout réglé, on ne peut pas refaire les vies! Mais Daniel Jacoby voulait qu’on travaille à la source du problème pour corriger au-delà du cas. Il a été un grand protecteur du citoyen!»
Un père modèle
Claudie Jacoby est extrêmement fière de son père, son modèle. Avec raison. Daniel Jacoby était à l’époque invité sur plusieurs plateaux pour discuter de justice sociale, donner des conférences. C’était une référence, et les gens le connaissaient par son nom. Daniel Jacoby a certainement contribué à faire connaître le rôle du protecteur du citoyen, qui était parfois même confondu avec la Protection des consommateurs.
«C’est le seul temps où on a vu le protecteur du citoyen prendre autant de place, affirme Claudie Jacoby. La justice était importante pour lui, et il était toujours là pour les plus démunis. Les orphelins de Duplessis, par exemple, il prenait ça vraiment à coeur et il tenait à ce que justice soit faite.»
Daniel Jacoby était avant tout un joyeux luron qui aimait voyager, pêcher et cuisiner, raconte-t-elle. «Quand il enlevait son veston et sa cravate, c’était un monsieur bon vivant!»
Daniel Jacoby aura été également président de l’Association internationale des ombudsmans et médiateurs de la Francophonie en 1998, association dont il a lui-même eu l’idée.
L’homme de loi épris de justice s’est éteint le 3 septembre entouré de sa famille. Daniel Jacoby laisse dans le deuil ses deux filles Yolaine et Claudie, trois petits-enfants et le souvenir d’un monsieur exceptionnel, brillant et humain.
Daniel Jacoby dénonce les bureaucrates du gouvernement Bouchard
Comme méthode d’enquête, nous avons choisi d’analyser le contenu du rapport du protecteur du citoyen. L’analyse se divise en deux parties, à savoir la critique externe ainsi que la critique interne.
Critique externe
C’est le 20 mars 1968 que le projet de loi sur le Protecteur du citoyen fut déposé à l’Assemblée Nationale et il entra en vigeur le 14 novembre 1968.
Le rôle du Protecteur du citoyen est de surveiller et de faire corriger les négligences, les erreurs, les injustices et les abus des ministères et organismes du gouvernement du Québec. La commission de l’équité salariale, la commission de la protection de la langue française, la commission des normes du travail, le curateur public et le ministère de la santé et des services sociaux sont quelques-uns des organismes surveillés par le Protecteur du citoyen. Il voit à la fois à protéger les droits de la personne et à corriger les dysfonctionnements tout en participant au renforcement de la démocratie. Le protecteur du citoyen fait partie des Instutions Nationales reconnues par l’Assemblée générale des Nations Unies. L’instution et son personnel ne font pas partie de la fonction publique et sont indépendants du gouvernement. La plupart de ses collaborateurs sont des spécialistes juridiques, des travailleurs sociaux ainsi que d’autres professionnels.
Le rapport du Protecteur du citoyen concernant les orphelins de Duplessis fut rédigé par Daniel Jacoby et s’adresse entre autres au gouvernement du Québec. Le rôle de ce rapport consiste à rendre compte des plaintes qui ont été déposées par les orphelins de Duplessis.Au départ, sa diffusion très restreinte ne permettait pas au grand public d’y avoir accès. Il était plutôt destiné aux gens concernés par l’histoire des orphelins de Duplessis. Par la suite, le document fut publié sur Internet et permis donc à toute personne s’intéressant à cette histoire de le consulter.
Le rapport du Protecteur du citoyen vise essentiellement à défendre ce que ces orphelins ont vécu (et les conséquences qu’ils en ont gardé aujourd’hui) et justifier les poursuites et les plaintes ainsi que de mettre en branle un programme d’indemnisation et la forme que prendra celui-ci (par versement, en un paiement unique, sous forme de rentes, etc. …).
Le rapport du Protecteur du citoyen fut écrit le 22 janvier 1997, suite à l’histoire des orphelins de Duplessis ainsi qu’à leurs demandes et exigences à l’égard de l’Église et du gouvernement.
Critique interne
Le rapport commence d’abord par expliquer qui sont les orphelins de Duplessis ainsi que le contexte économique et social de la société de cette époque. Il enchaîne en expliquant également le contexte dans lequel ils ont vécu lors de leur internement. Il démontre ensuite les limites du système judiciaire actuel et fait une comparaison avec des situations semblables en dehors du Québec. Il termine en faisant des propositions en ce qui concerne les indemnisations ( qui devrait en bénéficier, etc.) et en ce qui concerne la forme que celles-ci devraient prendre.
Son objectif manifeste est de démontrer que ce que les orphelins ont vécu est injuste et qu’ils méritent des indemnisations. Il cherche également à démontrer la nécessité d’un règlement à l’amiable et essaie de trouver une issue au problème en faisant plusieurs propositions.
Le document ne se limite pas seulement à la situation des orphelins de Duplessis mais fait également des comparaisons avec les autres provinces où des gens (pas nécessairement des orphelins qui furent internés) ont demandé des indemnisations pour mauvais traitements et où ces demandes furent écoutées. Il parle beaucoup du Mont-Providence, au Québec, un endroit très important dans l’histoire des orphelins de Duplessis.
Le protecteur du citoyen appuie les orphelins
Date de diffusion : 29 janvier 1997
Daniel Jacoby estime que « l’heure n’est plus à la recherche de coupables mais aux excuses publiques ». Dans le rapport qu’il dépose en 1997 sur les orphelins de Duplessis, le protecteur du citoyen estime que le gouvernement a la responsabilité ultime dans ce dossier et se doit par conséquent de reconnaître ses fautes. Il propose également qu’un montant de 1000 $ par année d’internement soit versé aux orphelins. Une semaine après le dépôt du rapport, Pierre Maisonneuve rencontre le protecteur du citoyen.
Le rapport du protecteur du citoyen, intitulé Les enfants de Duplessis : à l’heure de la solidarité, propose un règlement à l’amiable comportant notamment des excuses publiques de la part du gouvernement provincial, des congrégations religieuses et de l’ordre professionnel des médecins, de même qu’une indemnisation personnelle des victimes. Daniel Jacoby s’inspire alors de règlements semblables dans d’autres provinces canadiennes.
Le protecteur du citoyen appuie les orphelins
• Dans plusieurs provinces canadiennes, des victimes ont reçu des indemnités en compensation de mauvais traitements infligés dans des institutions. En Ontario, 320 femmes ayant subi des sévices physiques ou sexuels au Grandview Training School entre 1933 et 1976 ont reçu des montants allant de 20 000 $ à 60 000 $.
• En 1996, Terre-Neuve a versé 11,4 millions en indemnités à 42 enfants agressés physiquement ou sexuellement à l’orphelinat de Mount Cashel. Ces indemnités variaient entre 150 000 $ et 500 000 $ par personne.
• Le gouvernement de l’Alberta qui, entre 1928 et 1972, a stérilisé 2700 personnes éprouvant des problèmes d’ordre mental ou de déficience intellectuelle et les a confinées dans des institutions provinciales a adopté une loi permettant aux victimes d’obtenir jusqu’à 150 000 $ en compensation.
21 mars 2005
Références :
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- GAUDREAU, J. (1997). L’été 1961 au Mont-Providence de Rivière-des-Prairies : Souvenirs psychométriques à verser au dossier des Enfants de Duplessis. Prisme, vol.7, no.2, p.434-438.
- GILBERT, L. (1997). Pour tourner la page sur les Enfants de Duplessis : Le Protecteur du citoyen demande une entente à l’amiable. Le Soleil, 23 janvier.
- NOËL, A. (1999). Jacoby proposait plutôt 100 millions aux orphelins de Duplessis. La Presse, 6 mars.
- NOËL, A. (2001). Les orphelins de Duplessis sont plus nombreux à vivre dans l’isolement que les Québécois de même condition. La Presse, 26 mai.
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- PRESSE CANADIENNE (1999). Le fonds de 3 millions : « Une grosse farce », selon Bruno Roy. Journal de Montréal, 5 mars.
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- VERRIER, N. (n. d.). NancyVerrier.com – Home. En ligne, consulté le 16 septembre 2000.
Lydya Assayag
Madame Lydya Assayag est avocate, médiatrice, chercheure, enseignante, poète et musicienne.
Diplômée de l’Université de Montréal et de l’Université d’Ottawa, elle est membre du Barreau du Québec et de New-York. Parlant cinq langues, Lydya Assayag est spécialiste en discrimination, en droits humains et en éducation. Elle s’est longtemps impliquée dans la protection des victimes de violence et a été le maître d’œuvre du dossier des « Orphelins de Duplessis ».
Douze années comme « juge administratif » au sein du Protecteur du citoyen et quatre ans aux Commissions des droits du Québec et de New-York, l’ont sensibilisée aux besoins des femmes sous une multitude de réalités sociales : la santé mentale, la violence conjugale, le harcèlement, la délinquance, la toxicomanie, les maladies professionnelles, le retrait préventif, l’immigration…
Sur le plan humanitaire, elle a occupé le poste de professeure invitée à l’Université Nationale du Rwanda et dirigé un projet de coopération internationale pour la justice du génocide. Elle enseigne la médiation à l’Université de Sherbrooke et depuis 10 ans à l’École du Barreau du Québec. Elle dirige depuis 2005 le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes.
Elle s’est donné pour objectif de mettre ses connaissances au service des plus faibles. Donner une voix à celles qui n’en n’ont pas, a toujours été et restera au centre de ses actions.
Conseille une très bonne avocate juste et franc.
Rappelons nous ce que votre confrère en Loi Me Daniel Jacoby, Protecteur du Citoyen, a cité le 8 mars 1999 à l’Assemblée Nationale du Québec, «À plusieurs occasions, des orphelins ont été battus, attachés à leur lit ou isolés dans des cellules pendant de longues périodes. Plusieurs enfants ont également fait l’objet d’agressions sexuelles, de sodomie, de faveurs forcées et d’attouchements répétés.
Enfin plusieurs centaines d’entre eux ont été faussement classés comme malades mentaux ou déficients intellectuels, parce que le gouvernement du Québec et les autorités religieuses de l’époque voulaient obtenir des subventions du gouvernement fédéral destinées aux établissements de santé , pour pouvoir les toucher, les autorités civiles et religieuses ont transformé des enfants normaux, «nés de parents inconnus,» «en enfants » » arriérés » , » débiles » ou » déficients » , non seulement ces derniers ont-ils perdu leur dignité et leur autonomie, mais à plusieurs occasions, ils ont été traités comme de véritables malades psychiatriques avec des électrochocs, des camisoles de force, de l’isolement, de l’enchaînement et même des lobotomies, à cause de leur classement, ils ne pouvaient plus être adoptés.
Ces atteintes graves à l’intégrité physique d’enfants sans défense ont fortement compromis leur développement normal et leur comportement. Dans plusieurs cas, ces atteintes constituaient déjà des délits majeurs sanctionnés par le Code criminel, ainsi que des violations de droits fondamentaux reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’Homme dont le Québec a célébré le 50e anniversaire en 1998 «.