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10. La charité… mystification capitaliste
«Dans toute cette affaire, ces enfants n’étaient pas rentables. Alors certainement que cet aspect-là a joué.»Soeur Gilberte Villeneuve, citée par Guylaine Bussière, Le Grand Journal, TQS, reportages présentés du 7 au 9 juillet 1993 |
«Le Service des allocations, et c’est là une politique bien consciente, s’oppose absolument à ce que les allocations soient versées en bloc à l’administration générale d’une institution d’enfance et perdues dans les frais généraux de la maison.»
Gérard Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, 30 juin 1950, p.4
«J’ai pu étudier la possibilité de venir en aide à l’Institut médico-pédagogique, en vertu de la Subvention à l’hygiène mentale. Les renseignements dont je dispose me donnent une bonne idée du travail accompli par cet établissement et je vous demanderais de transmettre aux Révérendes Soeurs de la Providence l’expression de mon admiration pour le travail qu’elles exécutent. Cet établissement pour les enfants atteints d’une légère débilité mentale semble certainement être très bien dirigé. A cause précisément de la débilité mentale comparativement légère de ces enfants, il semble que le programme appuie principalement sur l’éducation. On porte souvent à mon attention des situations semblables comportant d’excellents programmes qui mettent en cause des questions de santé mais où l’éducation, le bien-être et autres aspects sont d’égale ou de plus grande importance. […] De la même façon, je ne crois pas que notre caisse soit assez bien fournie ni que nous puissions accepter la responsabilité de l’entretien et de la direction des services d’éducation et de bien-être. Par conséquent, j’en ai conclu que l’Institut médico-pédagogique doit être aidé à même la subvention à l’hygiène seulement lorsque les services de santé aux enfants sont directement en cause. Cela signifie naturellement que la présentation officielle de 1954-1955 du projet en faveur de l’Institut recevra peut-être de l’assistance dans des proportions plus faibles qu’il ne le fait présentement. Je veux vous assurer de mon intérêt constant et je regrette qu’avec les renseignements dont je dispose, je ne puisse être plus utile à cet établissement.»
Lettre de Paul Martin à son Eminence le Cardinal Paul-Emile Léger, 26 novembre 1953.
«L’auteur garde l’impression à la fin de ces visites qu’il y aurait de sérieux avantages à séparer non pas effectivement, mais financièrement le département des adoptions, du département de l’Assistance Publique. Si les revenus des adoptions n’avaient pas à combler les déficits de l’autre département, ce service des adoptions pourrait élever ses standards et procéder, comme le disait le rapport ci-haut mentionné, plus judicieusement au placement de nos enfants.»
Albini Girouard, ptre, Nos services sociaux diocésains. Une étude sur les sources de revenus de huit Services sociaux diocésains, Université de Montréal, Faculté des Sciences Sociales Economiques et Politiques, Maîtrise, avril 1954, p.53
«Quant aux sommes distribuées par l’Etat, elle deviennent la propriété de l’administration qui en dispose à sa guise. Le surintendant médical n’a pas le droit de regard sur le budget. On peut ne pas le consulter sur la détermination des crédit affectés à l’organisation des soins…. (…) Mais la logique du système veut que ce soit l’optique de l’officière qui l’emporte.»
Camille Laurin, posface, Les fous crient au secours! Les Editions du Jour, 1959, pp.152-153.
«Tant que les bonnes dames à mantilles distribuaient la charité de leurs mains gantées de dentelle noire, tant que les bonnes soeurs vivaient de la charité et de l’absence d’impôt sur les successions, il était inélégant de poser des questions précises.»
Alice Poznanska (Parizeau), «La protection de l’enfance: un sujet interdit«, Cité libre, mai 64, p.21.
«Ce qu’il y a de plus horrible au monde, c’est la charité séparée de la justice. Justement parce que notre charité n’est trop souvent, rien d’autre qu’une manière bondieusarde de camoufler nos injustices.» (…) Notre charité a pour but de maintenir notre sacro-saint régime d’entreprise privée.»
Jean-Claude Paquet, «La charité… mystification capitaliste«, Cité libre, mars 1964, no 65, p.9
«La guérison, commente Françoise Boudreau, était un luxe que les soeurs ne pouvaient se payer.»
Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale, Editions Saint-Martin, 1984, p.52
«Elle contrôle leurs économies, elle leur vend même des vêtements au prix du gros. A sa majorité, soit à vingt et un ans, quand l’orphelin veut retirer le fruit de ces années de pénible labeur, il ne lui reste rien. Tout a été supposément dépensé en vêtements.»
Reine Landry, Le cri de l’adopté, Stanké, 1985, p.57.
«En effet, l’Eglise et les communautés religieuses, avec leurs terrains, leurs bâtises et leurs capitaux qui circulaient sous formes d’actions et d’obligations dans les entreprises et les institutions québécoises se trouvaient, objectivement, à être partie prenante du capital québécois. […] L’alliance privilégiée entre les élites petites-bourgoises traditionnelles et le capital québécois se trouvait de plus alimentée par la capacité propre à la direction de l’Eglise et des communautés religieuses, pendant ces années, d’offrir des contrats et de faire des commandes aux capitalistes québécois (constructions d’églises, de lieux de pelérinage, de bâtisses religieuses, d’hôpitaux, de foyers d’accueil, etc., placements de capitaux sous formes d’obligations et d’actions; achats de nourriture, de mobilier, d’équipement, de combustible, etc.)».
Yves Vaillancourt, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, 1988, p.66.
«Pour contenir l’élargissement de l’intervention de étatique dans le champ de la santé et du bien-être, l’Eglise se devait de réorganiser et d’améliorer son propre système, de façon à rendre certaines de ses composantes davantage éligibles aux subventions de l’Etat provincial, qui devenaient attrayantes au moment où les coûts de fonctionnement des institutions d’assistance augmentaient et où les sources de la charité privée commençaient à tarir.»
Yves Vaillancourt, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, 1988, p.230
«Pour rembourser sa pension et les frais médicaux, après les deux semaines de récupération qui suivront l’accouchement, la mère donnera six mois de service à l’hôpital. […] La mort du bébé à la naissance ou plus tard ne changeait en rien ces conditions si ce n’est l’addition d’une charge de sépulture de 25 $. (…) Quand le père d’une jeune femme de 18 ans poursuivit avec succès le père du bébé, l’hôpital perçut les 300 $ mais la famille ne fut jamais remboursée pour le travail de la pensionnaire.: 126.50 pour sa pension avant l’accouchement, 50 $ pour l’abandon de l’enfant et 44 $ pour les frais médicaux.»
André Lévesque, historienne, La norme et les déviantes, les éditions du remue-ménage, 1989, pp. 127 et 131
«D’abord les organismes de charité privés sont débordés et leur gestion fait frémir d’horreur les vérificateurs gouvernementaux, tandis que les marchands, de leur côté, se plaignent de la lenteur avec laquelle les bons sont remboursés. Ensuite, ces organismes demeurent religieux et distribuent les secours directs comme la <<charité, en suivant leurs règlements et leurs méthodes>>. Cela ouvre la porte à beaucoup d’arbitraire.»
Linteau-Durocher-Robert-Ricard, historiens, Histoire du Québec contemporain (Le Québec depuis 1930), Boréal compact, tome 2, 1989, pp.86-87.
«Nous avons appris que le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social que votre hôpital a été reconnu par ce ministère comme hôpital public aux fins d’exemptions de la taxe de vente.»
Le sous-ministre du Revenu national, cité par le groupe de Marie-Paule Malouin dans L’univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.320.
«En effet, depuis 1945, le gouvernement provincial accorde aux Soeurs de la Providence 3 sous (6 à partir de 1946) par jour, pour chacun des malades hospitalisés à Saint-Jean-de-Dieu, dans le but d’aider les religieuses à construire un institut médico-pédagogique. Le contrat signé par la congrégation et le gouvernement, au sujet de Saint-Jean-de-Dieu, stipule que l’institution prévue (le Mont-Providence) a une capacité de 500 lits. Cependant, le gouvernement s’engage à hausser le per diem «spécial» de 3 sous à 6 sous dès que les Soeurs pourront porter à 1000 lits la capacité du nouvel institut médico-pédagogique.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin dans L’univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.320.
11. Gestes et actes illégaux
«Il faut reconnaître qu’il y a plus de 30 ans, dans quelques institutions et en certaines occasions, des enfants placés ou abandonnés par leurs familles et connus comme les orphelins de Duplessis ont été victimes de situations et d’attitudes anadmissibles.»
Lucien Bouchard, Premier ministre, Déclaration à l’Assemblée nationale, 4 mars 1999
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«Et le bureau de Montréal, dans un cas précis, a placé douze enfants parfaitement normaux dans une des rares maisons de la province spécialisées pour les débiles.
Gérard Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, juin 1950, p.4
«Dans la plupart des pays civilisés, où il existe une loi de protection de l’enfance, l’appel à la police, en de telles circonstances, l’internement de l’enfant dans une institution pour anormaux, sans examen préalable, serait jugés illégaux et condamnables».
Clinique de l’Ecole des parents du Québec, Le Devoir, 2 février 1951
«Ajoutons à cela que les dossiers des divers organismes contiennent des documents ultra-secrets que le public aurait intérêt à connaître. On y trouve, entre autres, des renseignements sur des morts mystérieuses d’enfants maltraités par des éducateurs et des gardiens trop sévères, sur des traces de coups et des blessures que purent voir des enquêteurs trop curieux, et d’autres vérités du même genre. Bien entendu les enquêteurs en question se taisent parce qu’ils sont liés par le secret professionnel et parce qu’ils ne tiennent pas du tout à perdre leur place».
Alice Poznanska (Parizeau), «La protection de l’enfance: un sujet interdit«, Cité libre, mai 1964, p.19-29
«Alice n’a pas exagéré et je me rappelle que, durant ma première année, j’ai été complètement révoltée de voir comment on traitait non seulement les malades, mais des enfants sains d’esprit qui auraient pu avoir une vie normale si on leur en avait laissé la chance (…) Imaginez ce que moi qui voulais aimer et aider, j’ai pu ressentir lorsque je me suis retrouvée dans cet enfer. C’était dur, très dur, de voir ces jeunes se faire maltraiter. Je ne voulais pas rester à cet endroit; j’ai demandé à voire la mère supérieure et je lui ai parlé de tout ce que je voyais. Et savez-vous, elle n’a pas eu l’air surprise lorsque je lui ai raconté tout ça.»
Georgette Hayfield, Une ancienne religieuse pleure en se souvenant des orphelins, La Presse, 1er mars 1999.
«Ces faux diagnostics ont causé bien des préjudices, car un diagnostic psychiatrique stigmatise celui qui le porte. (…) Si cela avait lieu maintenant, ces médecins seraient déférés au conseil de discipline du Collège».
Dr Frederic Grunberg, Le collège des médecins devrait présenter ses excuses L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.3
«En 1964, Alice Poznanza (dame Parizeau) abordait la question des mortalités douteuses dans les crèches et les orphelinats», souligne Bruno Roy. «Beaucoup d’orphelins alléguaient qu’on avait tué des enfants mais on ne les écoutait pas. C’est ce que j’appelle une opposition entre l’histoire savante et l’histoire vécue.» Les statistiques de la Ville de Montréal lui donnent raison. En 1941, le taux de mortalité des enffants illégitimes, dont la grande majorité naissent à Miséricorde, était de 329 pour mille contre 54.2 pour mille pour les enfants légitimes. Six fois le nombre…»
Marie Riopel, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.
«La dimension juridique d’abord. (…) Dans le cas des enfants de Duplessis, il y eut bel et bien violation des droits existants durant les années 1940 et 1950. A l’époque, les enfants dits normaux avaient effectivement le droit d’être inscrits dans des filières éducatives dites normales. Cet aspect juridique constitue en quelque sorte le premier socle de la question. Nous ne sommes pas face à une demande dont la satisfaction risquerait d’ouvrir une boîte de Pandore d’où surgirait, devant le Tribunal de l’histoire, l’exigence de réparations de tous les torts inimaginables. (…) Il importe en effet de reconnaître que nous sommes face à une violation de droits qui n’était aveugle d’aucune manière. Tout au contraire la dérogation dont on parle a visé objectivement, sciemment et résolument une population cible: celle des orphelins. Il s’agit d’un des cas les plus clairs de discrimination systémique qu’il soit possible de penser.Une violation systémique des droits a été rendue possible ou du moins facilitée par le fait que l’on faisait face à des laissés pour compte de la famille. (…) La violation des droits dont nous parlons s’analyse historiquement comme un abus de pouvoir qui a visé une population cible.»
Gilles Bourque, sociologue, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, pp.180-181.
12. Les autorités savaient…
«Etiez-vous au courant de ces faux diagnostics? a demandé le journaliste. <<j’étais pas là, je ne peux pas répondre à cela>>, a enchaîné Mgr Morissette
Mgr Morissette cité par Louise Leduc, Ni excuses, ni compensations, Le Devoir, 16 septembre 1999, p.A-1.
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«La promiscuité d’arriérés mentaux et d’enfants normaux dans un très grand nombre d’institutions crée une situation fort inquiétante et pose des problèmes dont la solution n’est pas de la compétence de leur personnel.»
Commission d’assurance-maladie du Québec, Premier rapport sur le problème des garderies et de la protection de l’enfance, (Rapport Garneau), Québec, 1944, p.14.
«[…] Les maladies intellectuelles sont aussi répandues que les autres à la Crèche S.-Paul. Nous avons 100 idiots vivant en compagnie de 175 enfants théoriquement normaux.»
Dr P. Dagenais-Pérusse, «Situation révoltante à la Crèche S.-Paul«, Le Devoir, 1950.
«[…] En rapport avec ce projet, nous aimerions souligner qu’après une sérieuse analyse du rapport présenté par les autorités du Mont-Providence, nous avons constaté qu’une proportion assez considérable d’enfants appartiennent à une catégorie supérieure de décicients mentaux, et à cause de leur quotient d’intelligence devraient normalement tomber sous la tutelle de la Commission scolaire. Comme vous le savez déjà sans doute, notre ministère accepte en principe et pratique la nécessité de confier les groupes inférieurs de déficients à la charge des organismes qui s’occuppent de la santé même. Toutefois, pour ce qui est de Mont-Providence, malgré l’admiration que nous éprouvons pour le travail accompli par les autorités religieuses et laïques, nous nous demandons si l’absence des services d’un psychiâtre et le quotient intellectuel d’un nombre d’enfants permettent de justifier le montant de l’octroi déjà approuvé et les demandes futures de subvention.»
Lettre de O. Leroux, M.D., 1er avril 1953
«L’expression «malades» signifie les personnes atteintes de psychopaties, de l’un ou l’autre sexe, confiées aux Soeurs par le Gouvernement.!»
Arrêté en conseil, Chambre du conseil exécutif, no 1082, Québec, 3 novembre 1954.
«Jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans – et l’auteur de ces lignes en a été témoin – ces enfants n’ont pas encore appris à parler comme les autres, pour la raison qu’aucun adulte n’a pu converser avec eux régulièrement. Il en est parmi eux qui ne peuvent alors que pousser des cris d’animaux. Tous ou presque tous, sont devenus des arriérés mentaux, qui ne pourront jamais reprendre le temps perdu. C’est le massacre des innocents.»
Arthur Prévost, Toute la vérité sur la fille-mère et son enfant, Editions Princeps, 1961, p.146.
«Tous l’admettent, les déficients mentaux entraînables présentent des problèmes et des besoins très différents de ceux rencontrés avec les véritables malades mentaux. (…) L’intérnat coûte plus cher que l’externat, tous en conviennent. Si l’on peut obtenir, sans concession de principes, un même résultat pour la formation de l’enfant, il serait illogique de ne pas préférer la solution la plus économique . (…) Nous pouvons affirmer que dans l’état actuel de la question, les services complets de diagnostics auprès des enfants déficients mentaux entraînables sont ou inexistants ou inadéquats.»
Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961, pp.7, 12 et 13.
«Officiellement, le responsable des admissions est le surintendant médical de Saint-Jean-de-Dieu, mais en pratique… (les) enfants sont admis à la suite de diverses pressions politiques auprès des religieuses ou sur la recommandation de la supérieure ou pour une série de motifs très variés. (…) L’enquête dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions continuent de se faire sans beaucoup de discernement. (…) Des enfants éducables continuent d’être admis au Mont-Providence après 1954.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.
«En 1950, je déplorais, comme chrétien, l’espèce de connivence passive de la quasi totalité de la presse et de la majorité de la population, connivence qui permettait au gouvernement Duplessis de laisser croupir des milliers d’enfants et de laisser s’étioler des milliers de jeunes vies. Nous devons tous, c’est exact, accepter notre part de responsabilité dans cette affreuse situation. Tous, sauf les communautés religieuses en contact quotidien avec cette misère? Tous, sauf les autorités écclésiastiques qui détenaient alors le pouvoir de faire bouger l’autorité civile et qui ont refusé d’utiliser à cette fin l’énorme influence qui était la leur?»
Gérard Pelletier, Je n’ai pas signé, Monseigneur, Cité Libre, avril-mai 1993, p.17.
«La société québécoise est-elle restée muette devant la situation des enfants dits «illégitimes»? Que non! Bruno Roy a raison: cette question a été débattue de nombreuses fois durant les années 1940, 1950 et 1960.»
Micheline Dumont, historienne, Université de Sherbrooke, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, pp.176-177
L’oeuvre changeait. Ça devenait un hôpital, mais elle (la supérieure) a pris soin de nous dire, par exemple, il y a toutes sortes de thérapies, alors, dorénavant, on va appeler ça de la thérapie, à enseigner comme vous le faites, ce sera une thérapie plutôt que de l’enseignement. En réalité, on enseignait clandestinement. Ça nous était défendues.
Soeur Ursule Cantin, Adieu, mes soeurs, Denise Bombardier, SRC, 19 novembre 1999.
– Soeur Lise Pleau : Leur vie changeait complètement parce qulls étaient comme internés. Alors, il y avait beaucoup de restrictions, toutes les sorties qu’on faisait, les sorties éducatives étaient finies. C’était fini, il n’y avait plus rien. C’était triste, dans le fond, de savoir ça. C’était quelque chose qu’on n’acceptait pas. On n’acceptait pas ça. Mais comme on nous avait dit aucun commentaire, c’était le silence. On ne pouvait pas parler. – Denise Bombardier : Mais vous, est-ce que vous vous êtes senties complices d’un système et d’une situation qui n’était pas admissible sur le plan moral ou si vous étiez dans le voeu d’obéïssance tel qu’il se pratiquait dans les communautés dans les années ’50. – Soeur Lise Pleau : On n’acceptait pas ça. Entre nous, on en parlait, on trouvait ça d’une grande tristesse pour le genre d’enfants parce que quand l’oeuvre a changé, on a continué l’école avec beaucoup d’enfants.
Soeur Lise Pleau, Adieu, mes soeurs, Denise Bombardier, SRC, 19 novembre 1999.
– Jacques Lacoursière : Il doit y avoir de vos anciennes de l’Ecole de Service social qui ont dû se retrouver dans des maisons où les religieuses gardaient des enfants de la crèche, les fameux orphelins de Duplessis. – Georges-Henri Lévesque: Oui, oui. – Etiez-vous au courant de ça, vous? – Ah! oui, oui. On était au courant. Ensuite, nois diplômés essayaient d’influence les religieuses, là. – Mais… – Ils allaient donner des conférences… – Donc, dans les années 1940, vous saviez fort bien qu’il y avait des enfants normaux qui se trouvaient avec des enfants anormaux pour que le gouvernement ait plus d’argent du fédéral? – Ah! oui, oui.
Le père Georges-Henri Lévesque, Artisans de notre histoire, Canal Historia, 2 février 2000 (Entrevue avec l’historien Jacques Lacoursière).
13. Quelle «solution» a constitué le centre Doréa?
«Je peux vous dire qu’il y a eu un effort concerté fait au Mont-Providence, plus particulièrement après le changement de vocation, par les religieuses, en lien avec le cardinal Léger, Albini Girouard pour que les enfants aillent au centre Doréa. Beaucoup, il y en a eu près d’une centaine qui ont été envoyés à Doréa (…) La solution qu’elles ont trouvé ça été de sortir les enfants éducables en les envoyant le plus possible ailleurs pour qu’ils aient une éducation.»
Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999.
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«Or, une enquête sur le Mont-Providence précise que seulement cent trente et un enfants du Mont-Providence sont transférés en divers endroits par les deux aumôniers de l’institution et cela, non pas en 1954, mais entre 1954 et 1961. (…) Toutefois, des cents cinquante enfants de Montréal que Doréa reçoit, seulement vingt-neuf viennent du Mont-Providence. Cela signifie que Doréa accueille des enfants provenant d’ailleurs. (…) Ainsi, contrairement à ce qu’on peut croire en lisant Pierre Foucault, Doréa n’a pas constitué une solution efficace aux problèmes des enfants éducables.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.368.
«L’enquête, dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions «continuent de se faire sans beaucoup de discernement.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.
14. Les chicanes fédérales/provinciales: soumission forcée ou complicité?
«Pour se sortir du pétrin, les soeurs ont accepté, sous les conseils du cardinal Léger, de dire qu’il s’agissait d’un hôpital. Ce transfert est une erreur. Le cardinal Léger a été mêlé à ça. Il a eu des pressions du gouvernement et il a convaincu les soeurs de régler.»Cardinal Jean-Claude Turcotte, Mgr Turcotte défend les soeurs, La Presse, 20 février 1999, p.A-6″On les a forcées. C’était le ministre Paquette, à l’époque, qui a pris la décision contre l’avis des religieuses. A ce moment-là, il s’en allait vers la faillite».
Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999
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«Nous vous sommes très reconnaissantes, Eminence, de la part active que vous avez apportée à l’obtention précieuse qui assurera la survie de notre oeuvre de la Rivière-des-Prairies.»
Lettre de l’Assistante générale au Cardinal Léger, 24 mai 1954, Archives des Soeurs de la Providence
«Dans une lettre circulaire adressée à toutes les religieuses, la Supérieure générale écrit que «sur l’avis de l’autorité ecclésiastique, il fut décidé, quoique avec un profond regret, de céder aux exigences des autorités gouvernementales». Les religieuses n’ont donc pas abdiqué devant les pressions gouvernementales; elles ont consenti aux volontés épiscopales.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.363.
«Un autre facteur, et non le moindre, est que les congrégations avaient le capital financier et humain nécessaire pour investir dans ces domaines. Elles avaient à leur disposition un personnel dévoué, obéissant et non némunéré. En tant que propriétaires du système, les congrégations avaient tous les pouvoirs de gestion sans devoir rendre des comptes à personne».
Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale, Editions Saint-Martin, 1984, p.54
15. Les faux diagnostics
«Qu’il y ait eu des faux diagnostics, c’est possible, mais ce n’est pas à nous d’en juger. C’est à la profession médicale. Les religieuses n’ont pas établi de diagnostics.»
Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999
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«Nous pouvons affirmer que dans l’état actuel de la question, les services complets de diagnostics auprès des enfants déficients mentaux entraînables sont ou inexistants ou inadéquats» (p.13).
Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961.
«Rappelons ainsi que ce Conseil d’administration n’est composé que de religieuses de la Providence, propriétaire de l’établissement, à l’exclusion de tout autre représentant de l’état ou de la collectivité. Il est tellement vrai que ce conseil prend toutes les décisions importantes que, lors de la visite de la Commission, le surintendant se référait à la maison-mère «pour des décisions se rapportant à l’enseignement universitaire et au transfert des malades» deux problèmes qui sont pourtant de nature essentiellement médicale. Il semble donc que le droit de propriété amène avec lui le droit de gérance absolue, même quand il s’agit d’une propriété édifiée, agrandie et entretenue à mème les fonds publics».
Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, p.24.
«La figure du surintendant est au coeur du processus d’admission des patients. (…) Selon Henri Dorvil, les admissions des patients en milieu psychiatrique durant les années 1940 et 1950 ne relèvent pas exclusivement d’un médecin ou du surintendant médical. Selon lui, «assez souvent à l’insu du médecin, la Soeur Supérieure, l’évêque, le curé, le député, un notaire, bref une pluralité d’individus pouvaient intervenir pour faire hospitaliser, un individu sans abri ou un enfant abandonné.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, pp.269-270.
«Officiellement, le responsable des admissions est le surintendant médical de Saint-Jean-de-Dieu, mais en pratique… les enfants sont admis à la suite de diverses pressions politiques auprès des religieuses ou sur la recommandation de la supérieure ou pour une série de motifs très variés. (…) L’enquête dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions «continuent de se faire sans beaucoup de discernement. (…) Des enfants éducables continuent d’être admis au Mont-Providence après 1954.»
Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.
«On constate qu’un certain nombre d’enfants hospitalisés au Mont-Providence n’ont pas eu d’autres examens (psychiatriques et psychologiques) après leur admission. […] D’autres [notes] n’ont que deux ou trois lignes et laissent à penser que le médecin qui a signé la formule d’internement n’a jamais lui-ême examiné le malade ou ne l’a fait que d’une façon extrêment sommaire.»
Le Conseil des Oeuvres de Montréal, La classification des enfants et de l’organisation des classes au Mont-Providence, annexe au Rapport Bédard, 1960, p.42.
«Tu n’as jamais souffert d’une maladie mentale proprement dite. Les circonstances de la vie ont fait que tu as connu une enfance pénible, voyageant d’une insititution à une autre. Les séjours dans de multiples foyers ont nui à ta scolarisation. […] Aujourd’hui une telle façon de faire serait dénoncée comme inacceptable … […] … laisse-moi te dire que malheureusement la société a erré».
Lettre du Dr Louis Roy, cité par Michèle Coudé-Lord, Journal de Montréal, 5 septembre 1992, p.7.
«A trente ans d’intervalle, mes souvenirs à cet égard sont intacts et très vifs. Pensez-donc: une équipe de psychologues s’en allait examiner des «arriérés» et, notamment en ce qui concernait les performances pratiques ou non verbales, on rencontrait souvent des enfants qui, à ces épreuves, obtenaient des quotients intellectuels de l’ordre de 105 ou de 110. Les résultats présentés dans le Rapport Barbeau-Houle ne mirent pas ce fait en évidence avec la netteté qu’il eut pourtant convenu.»
Jean Gaudreau, L’été 1961 au Mont-Providence de Rivière-des-Prairies (Souvenirs psychométriques à verser au dossier des Enfants de Duplessis), P.R.I.S.M.E., vol.7, no 2, p.338.
«Si l’on examine la Loi sur les asiles d’aliénés (S.R.Q., 1941, ch.188) telle qu’elle était alors formulée, on constate que seules certaines catégories de personnes pouvaient y être admises, soit, d’une part, les aliénés et, d’autres, part, «les idiots et les imbéciles», mais seulement lorsqu’ils étaient «dangereux, cause de scandale, sujets à des crises d’épilepsie ou atteints de difformité monstrueuse», le tout attesté par certificat d’un médecin. En principe, des enfants atteints de déficience légère ou de troubles de comportement bénins ne pouvaient dont être admis dans des hôpitaux psychiatriques. Toutefois, si l’on jette un coup d’oeil sur les formulaires de certificat intégrés à la loi, on observe que leur libellé est beaucoup moins précis que les termes du texte de loi et qu’il semble laisser une marge de manoeuvre d’appréciation aux médecins. Cet élément, et beaucoup d’autres, a pu faciliter les abus qui ont eu cours. (…) Il est à noter que cette loi connaît des modifications importantes en 1950. Désormais intitulée La Loi concernant les hôpitaux pour le traitement des maladies mentales (S.Q., 1950, ch.31), elle autorise l’admission dans ces établissements de <<tout malade chez qui le désordre mental constitue l’élément prépondérant de son état pathologique>>. Cette nouvelle formulation consacre une discrétion médicale presque sans limite.»
René Joyal, Sciences juridiques, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, p.185.
16. Les connaissances scientifiques de l’époque
«La déficience, légère ou moyenne, était le diagnostic le plus courant. Déficience intellectuelle ou carence affective? Avec le recul, ce n’est pas toujours clair. Les crières d’évaluation, en ce temps, étaient contestables.»
Soeur Gisèle Fortier, Second regard, SRC, 24 janvier 1993.
«Et les tests de quotient intellectuel, à l’époque, n’étaient pas adaptés à cette population.»
Soeur Gilberte Villeneuve, «Des soeurs se vident le coeur«, Actualité, juillet 1999, p.17.
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«D’abord qu’est-ce que l’on entend par un enfant sous-doué? On peut dire que c’est un terme discret et générique pour indiquer les anormaux de l’intelligence elle-même; c’est-à-dire ceux qui sont atteints dans leurs facultés supérieures, de jugement, d’acquisition, de perception, de fixation, de compréhension, etc. Du point de vue évolutif, ce sont des arriérés, du point de vue pédagogique, des retardés, du point de vue neuro-psychiatrique, des débiles mentaux ou des imbéciles, présentant en général des troubles importants de comportements de la motricité volontaire; enffin du point de vue anatomo-pathologique, ce sont des systèmes nerveux déficitaires et des encéphales touchés dans leur corticalité, et même quelquefois porteurs de grosses lésions. Ce type d’enfant ne dépasse jamais 75% de la capacité mentale de l’intelligence normale moyenne du même âge, et son développement psychologique ne franchira pas le niveau intellectuel d’un enfant normal de douze ans.»
J.-C. Miller et Alphonse Pelletier, Un problème médico-pédagogique: l’éducabilité, Laval médical, Vol.3, no 7, septembre 1938, p.231.
«Les techniques modernes tels que les tests standardisés ont permis d’évaluer d’une façon assez précise le niveau intellectuel de l’individu. Elles nous ont en même temps permis de constaterla proportion effarante de nos sous-doués, notamment dans les institutions, et surtout chez les enfants qui n’ont jamais connu que l’institution depuis leur naissance.»
Soeur Saint-Michel Archange, s.m., L’institution et le développement social de l’enfant, mémoire, juin 1950, p.18.
«Dans l’état actuel de la science, nous pouvons affirmer que la formation des déficients mentaux entraînables donne des résultats pratiques et appréciables».
Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961, 14.
«Cependant, nous pouvons affirmer que les résultats obtenus représentent un minimum, que placés dans des circonstances plus favorables (milieu familial normal, fréquentation scolaire régulière et à temps complet), la plupart des enfants examinés auraient donné des résultats plus élevés. Les tests psychométriques mesurent surtout le niveau intellectuel fonctionnel. Un milieu d’éducation stimulant assure à l’enfant un niveau de fonctionnement qui se rapproche davantage du niveau potentiel. Il n’existe cependant aucun moyen d’évaluer le retard causé à un enfant par son séjour dans un milieu pauvre.»
Le Conseil des Oeuvres de Montréal, La classification des enfants et de l’organisation des classes au Mont-Providence, annexe au Rapport Bédard, 1960, p.59.
«Malgré tout, les erreurs de diagnostics ne relèvent pas du manque de connaissances psychiatriques, on savait tout de même reconnaître une maladie psychiatrique à l’époque.»
Heinz Lehmann, 55 ans de révolution psychiatrique, L’Actualité, Magazines Maclean Hunter Québec, 15 mai 1993, p.14.
17. La reconnaissance des torts
«Faire des excuses, c’est perdre notre temps.»
Cardinal Jean-Claude-Turcotte, Conférence de presse, Assemblée des évêques, Cap-de-la-Madeleine, 15 septembre 1999.
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«Tout bonnement parce qu’un problème de conscience provoque des réactions extrèmes et que le débat a toujours dévié sur la défense et l’illustration de nos institutions, de nos communautés religieuses, au lieu d’éclairer le problème profond des enfants.»
Gérard, Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, 12 juin 1950, p.4.
«Trop souvent, malheureusement, la crainte du scandale continue d’influencer nos réactions instinctives et nous fait protéger l’agresseur et une certaine image de l’Eglise ou de l’institution que nous représentons, plutôt que les enfants, impuissants à se défendre dans un duel aussi inégal. (…) Les victimes dénonçaient les systèmes administratifs de l’Eglise en leur reprochant une attitude de camouflage et de dissimulation, plus prête à limiter les dégâts infligés à l’image de l’Eglise par de tels scandales, qu’à prendre en considération la violence grave contre l’identité personnelle des victimes».
Conférence des évêques catholiques du Canada, De la souffrance à l’espérance, 1992, pp.23 et p.28.
«Ils étaient tellement marqués par la proximité des malades mentaux. (…) Ca demeurait toujours qu’ils étaient appelés très souvent des déficients, mentaux arriérés, faibles mentaux, imbéciles mêmes. Et toutes ces appellations, cette catégorisation les a encore marqués. (…) Je ne vois pas pourquoi on les catégorise différent des normaux. En quoi est-ce la normalité? J’ai vraiment l’impression que ces jeunes-là ont droit d’avoir leur place au soleil et de l’avoir à plein et ils sont capables de produire beaucoup pour la société en autant que la société reconnaît leur valeur.»
Soeur Gilberte Villenneuve, Second regard, SRC, 24 janvier 1993.
«Au moment où au Canada français et au Canada anglais on instaure un procès de certaines fautes indéniables commises par des religieux, il faut rappeler que l’enjeu-test du souci des enfants des autres est au coeur des choix d’avenir de notre société.»
Jacques Grand’Maison cité par Jules Béliveau, Les enfants de Duplessis: une condamnation entraînerait une catastrophe, La Presse, 5 septembre 1993, p.A-7.
«Il y a eu des cas d’abus, de mauvais traitements et d’évaluations injustes des personnes. […] Ces allégations interpellent à la fois les pouvoirs publics et les communautés religieuses».
Monseigneur Robert Lebel, L’Église de Valleyfield, Bulletin paroissial
«Tout en tenant compte des réalités sociales, religieuses et étatiques du moment, les membres de la Commission sont convaincus que des préjudices graves et des abus physiques et sexuels ont été subis par un nombre important d’orphelins institutionnalisés. Ces préjudices et ces abus découlent manifestement de gestes et de traitements infligés par des personnes qui avaient la garde de ces enfants et qui ont dérogé aux pratiques et aux moeurs généralement acceptées à l’époque.»
Roger Lefebvre et Marcel Landry, Mandat d’initiative sur les Orphelins de Duplessis, Commission des institutions (Québec), 23 mai 1997.
– Pierre Maisonneuve : – Les orphelins de Duplessis ont-ils raison de revendiquer?
– Gérard Pelletier : Oh! moi, je crois qu’ils ont raison. Je pense que un tel tort a été fait à des personnes humaines que ces personnes-là ont droit de demander une compensation quelconque. Je ne sais pas laquelle. Est-ce que c’est possible de chiffrer ça en dollars? Est-ce que c’est possible pour l’État de débourser ce que ce chiffre représenterait? Je n’en sais rien. Je ne suis pas un administrateur gouvernemental. Mais, il est certain qu’une société juste qui se rend compte de ce qui a été fait à des personnes humaines qui n’avaient absolument pas mérité d’aucune façon d’être traitées comme ça, une société juste veut faire quelque chose pour compenser le tort qui a été fait à ces personnes-là.
Maisonneuve à l’écoute Gérard Pelletier commente la série «Les orphelins de Duplessis», RDI, le 23 mars 1997
– La juge Trahoré – «Lorqu’il y a eu injustice, je pense que la moindre des choses, c’est que les gens le reconnaissent. Surtout s’ils sont toujours des leaders. Ils ont l’influence dans la société parce qu’ils ont un rôle éducatif. C’est la moralité. C’est ce qui nous distingue des autres. Et alors je crois que c’est une responsabilité. Et deuxièmement, il faut offrir une indemnité qui est raisonnable.»
– Le journaliste Lapointe – «Donc un fond d’aide collectif là sans indemnité individuelle, pour vous, c’est une demi-mesure là ce qu’a offort le gouvernement du Québec.»
– La juge Trahoré – «A mon avis, oui, parce qu’ils ont souffert.»
Juanita Wesoreland-Trahoré, Juge à la Cour du Québec, Point de vue, SRC radio AM, 14 mars 1999.
«Par la présente, la Ligue des droits et libertés tient à vous appuyer, comme elle l’a fait déjà en 1992, dans vos démarches pour la tenue d’une commission d’enquête sur le «sort réservé aux Orphelins de Duplessis». Tout comme vous, nous souhaiterions que la lumière soit faite sur les situations difficiles vécues par nombre de personnes à cette époque. Il semble effectivement que les événements passés ont porté atteinte aux droits fondamentaux des personnes. A notre avis, une commission d’enquête aiderait certainement les orphelins à conquérir cette dignité qui leur a toujours été refusée.»
Lettre d’appui de Lucie Lemonde, présidente, La ligue des droits et libertés, 16 mars 1999.
«Oui, le Collège doit sans aucun doute présenter ses excuses. Autres temps, autres moeurs, me direz-vous, mais quand même, il y a eu négligence et complaisance de la part de certains médecins, c’est le moins que l’on puisse dire! La Commission Bédard n’avait pas à proprement parler étudié la situation des orphelins de Duplessis, mais elle a eu des répercussions sur leur sort dans la mesure où elle a favorisé leur sortie de l’hôpital. (…) Ce qui est particulièrement grave, c’est qu’on les ait privés d’éducation à l’adolescence.»
Dominique Bédard, Le collège des médecins du Québec doit-il présenter ses excuses aux orphelins de Duplessis? L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.6.
«Une enquête publique est non seulement souhaitable, elle est indispensable. Les orphelins de Duplessis la souhaitent et je les appuie sur ce point. Une enquête canaliserait leur plainte, assainirait la situation et montrerait que le sort des orphelins est pris au sérieux. On nous répondra qu’elle va coûter cher. Mais ne serait-ce pas précisément l’occasion de régler la dette que l’on a contracté envers ces gens? Si rien n’est fait, ce dossier va rester un fantôme, une tache collective.»
Dr Hubert Wallot, Une enquête publique assainirait les choses, L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.4.
«Avant même que ne sonne l’arrivée de l’an 2000, Jean-Paul II reconnaît déjà sans détour «le manque de discernement de certains chrétiens devant la situation de violation des droits fondamentaux de l’homme. (…) Lorsque les fautes sont confirmées par une investigation historique sérieuse, l’Église ressent le devoir de reconnaître celles de ses membres et d’en demander pardon à Dieu et aux frères.»
Le pape Jean-Paul II, cité par Louise Leduc, Un examen de conscience incomplet?, Le Devoir, 3 septembre 1999, p.A-2.
«La première fois que j’ai rencontrée Alice, je me suis dit qu’elle fabulait sûrement. Choquée, je suis allé vérifier auprès des Soeurs de la Charité – qui ne savaient pas que j’avais rencontré Alice et qui parlaient à l’époque. Elle m’ont dit sensiblement les mêmes choses.»
Pauline Gill citée par Marie Riopel, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.
«On peut formuler, de la façon suivante, le problème éthique qui nous est posé: la société actuelle doit-elle reconnaître des torts passés dont elle ne peut être retenue responsable et doit-elle réparer ces torts de façon juste et raisonnable? Je réponds oui à cette double question parce que, premièrement, elle se reconnaît ainsi responsable du bien-être au moins minimal de chacun de ses membres et parce que, deuxièmement, elle se pose, dès lors, elle-même comme société de droit. Elle répare, à ce titre, des torts qui ont résulté de la violation de droits reconnus à une époque antérieure de son développement.»
Gilles Bourque, sociologue, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, p.181.
Il existe un principe de droit international selon lequel les gouvernements sont responsables des de leurs prédécesseurs. Ce principe siginfie, entre autres, qu’un État a le devoir d’indemniser les victimes de violations des droits de la personne, peu importe le gouvernement au pouvoir au moment de la violation.
Rapport de la Commission du droit du Canada, La dignité retrouvée (La réparation des sévices infligés aux enfants dans les établissements canadiens), mars 200, p.291.
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