ALLOCUTION DE LÉO-PAUL LAUZON

ALLOCUTION DE LÉO-PAUL LAUZON

Bonjour,

En avril dernier, la Chaire d’études Socio-économiques de l’UQAM publiait les résultats d’une étude portant sur les aspects socio-économiques de l’internement des orphelins de Duplessis. Le lendemain, les représentantes de certaines communautés religieuses impliquées, annonçaient leur intention de poursuivre légalement les auteurs de l’étude ainsi que l’Université du Québec à Montréal. Cinq mois plus tard, nous n’avons reçu aucun document nous informant de l’existence d’une telle poursuite. Néanmoins, l’annonce de cette poursuite a pu semer un certain doute quant à nos conclusions qu’il me fait plaisir de vous présenter en partie, au risque d’une deuxième poursuite !!!

L’Église a profité monétairement des institutions de charité des congrégations religieuses comme en fait foi son opposition au transfert de ces responsabilités à l’État. La mainmise de l’Église sur des institutions telles la santé, l’éducation et l’assistance publique lui garantissait alors une influence sociale, économique et politique. Leurs actifs immobiliers prenaient de la valeur dans le temps et pouvaient être revendus à profit. La valeur des biens immobiliers de l’Église pour la santé et la protection de l’enfance sont évalués en 1930 à 434 millions de dollars de 1999.

La principale raison qui a pu conduire à l’internement de milliers d’enfants est la différence entre la subvention reçue par les orphelinats et celle reçue par les asiles. Ainsi, l’orphelinat de l’Immaculée de Chicoutimi recevait un per diem de 0,70 $ en 1956 pour les enfants de plus de cinq ans alors que le per diem de Saint-Jean-de-Dieu était, pour la même année, de 2,25 $ (soit trois fois plus élevé). De plus, les congrégations religieuses n’étaient plus tenues d’éduquer ces enfants et les faisaient travailler sans rémunération.

Le gouvernement du Québec a certainement contribué aux problèmes des enfants illégitimes par ses politiques sociales. Les allocations familiales étaient notoirement plus basses au Québec que dans le reste du Canada, ce qui contribuait à l’éclatement des familles pauvres et à l’engorgement des orphelinats. Par exemple, une famille québécoise de dix enfants touchait une allocution mensuelle de 57 $ en 1950, contre 140 $ pour une famille ontarienne.

Les enfants placés dans les orphelinats durant les années 1940 et 1950 sont en réalité en grande majorité des enfants de familles divisées qui ne peuvent assumer leur charge. Les orphelinats sont surpeuplés en raison des enfants qui ont encore au moins un parent. Les familles versaient généralement des montants aux orphelinats pour la garde de leur (s) enfant (s) et ces pensions versées étaient supérieurs aux allocations gouvernementales. Cela a pu conduire à « évacuer » des orphelinats les enfants moins « payants », ces illégitimes pour qui les communautés ne recevaient pas de sommes d’argent de parents.

Les données sur l’orphelinat de l’Immaculée de Chicoutimi démontrent que les orphelinats ne sont pas destinées aux illégitimes. On constate que les illégitimes disparaissent des orphelinats en quasi-totalité avant l’âge de six ans. Il serait étonnant d’attribuer ce fait uniquement aux adoptions.

Le gouvernement du Québec avait également comme politique de favoriser largement la construction et l’exploitation d’hôpitaux à l’aide de subventions que le gouvernement fédéral octroient à compter de 1948. De 1948 à 1953, le gouvernement fédéral a déboursé 94 millions de dollars dans la santé, dont 31 % ont été alloués au Québec. À titre de comparaison, l’Ontario n’a reçu que 26 % de cette somme au cours de la même période.

Le gouvernement québécois préférait donc construire de nouveaux hôpitaux pour « entreposer » les malades mentaux, profitant des importantes subventions du gouvernement fédéral, plutôt que d’investir dans le mieux-être des malades. Le réseau psychiatrique se retrouvait donc face à un sous-financement chronique et à une pression à la baisse continuelle de ses taux d’occupation qu’il fallait compenser par de nouvelles admissions.
Dans au moins un cas, soit celui du Mont-Providence, le gouvernement du Québec a directement contribué à l’internement d’enfants normaux en institut psychiatrique pour pouvoir profiter des subventions du gouvernement fédéral.
Les congrégations religieuses on eu un net avantage financier à transférer des enfants normaux « illégitimes » dans des hôpitaux psychiatriques, notamment pour profiter d’un per diem plus important. Les communautés religieuses on réussi à obtenir, en dollars constants de 1999, environ 70 millions de dollars en sonunes additionnelles pour les années de 1940 à 1960. Ce montant constitue selon nous un minimum puisqu’il ne tient pas compte du travail non rémunéré des enfants ni des revenus additionnels que les communautés religieuses ont obtenus en évacuant des orphelinats les « illégitimes » pour faire place à une clientèle plus payante.

Il est donc clair aujourd’hui que des enjeux économiques ont eu un impact sur l’intemement de ces enfants.

Merci