Pour une réconciliation avec la justice

Par Bruno Roy, président, et Yves Lauzon, procureur

« Une injustice à l’un d’entre   nous    est une menace pour tous. Gandhi »

Programme National de Réconciliation avec les Orphelins (es) de Duplessis

La publication, le 22 janvier dernier, du rapport du Protecteur du citoyen Les Enfants de Duplessis: à l’heure de la solidarité, est, en soi, un jugement historique majeur. Sa parution marque, pour notre groupe, une étape de première importance, voire décisive dans la longue lutte des justiciables que nous sommes. C’est la première fois qu’une autorité de cette importance et de cette nature, indépendante, prend acte de notre «réalité d’injustice». Bien que sa qualité soit marquée par la prudence et la diplomatie, ce rapport complète et cristallise le vaste consensus social sur la nécessité d’une réparation adéquate des graves préjudices subis par ces individus.

Moins long, plus flexible, nous trouvons préférable le processus altematif proposé dans le document. En effet, l’approche dite d’indemnisation sans égard à la faute proposée par le Protecteur du citoyen s’inscrit dans un courant moderne largement adopté dans les autres provinces pour des situations similaires. Les exemples cités dans son rapport témoignent de la fonction sociale de tels régimes dans une société moderne et soucieuse d’une justice adaptée aux réalités particulières .

Il nous faut également souligner l’importance de ce rapport dans la perspective des droits des Enfants de Duplessis qui y sont visés. En effet, le Protecteur du citoyen a légitimé notre démarche qui est juste et valable. Il cite, d’ailleurs, nos travaux leur accordant ainsi la même crédibilité que les recherches de nos opposants dans ce dossier. Tel est donc l’intérêt de son rapport: les arguments de chacune des parties convergent vers un même constat: les faits sont reconnus. C’est ainsi que le rapport lui-même annule la fabulation des victimes tant évoquée par les communautés religieuses. Une conclusion s’impose: la société ne peut plus tolérer un scandale dont elle connaît l’existence. «Il faut faire preuve de bon sens», écrit encore le Protecteur du citoyen »2.

Une justice imprescriptible

En janvier 1996, devant la Commission des institutions, le Protecteur du citoyen avait parlé de «gestion par usure». Comme le dit le dicton, une justice reportée est une justice déniée. «Dans sa contestation des procédures prises contre lui, mise à part sa reprise des explications foumies par les communautés religieuses, écrit le Protecteur, l’État ne répond pas. Il se limite à réfuter les arguments de droit3.  Il n’est pas erroné de penser que ce fut historiquement le cas dans le dossier bien connu des Enfants de Duplessis. Ces derniers seraient-ils nés trop tôt?  La vraie justice peut-elle se prescrire?

A cette question, et à notre grande satisfaction, le rapport du Protecteur répond non. Les droits que les chartes, les codes et les lois reconnaissent aujourd’hui aux enfants ne sont pas de pures créations des deux dernières décennies. De plus, citoyens à part entière, les Enfants de Duplessis sont eux aussi dans un régime de droit démocratique; eux qui souvent internés dans leur enfance, faut-il le rappeler, en étaient exclus. Le rapport du Protecteur du citoyen rappelle donc avec justesse qu’il faut donner un sens à tous ces droits. La responsabilité en cette matière n’est pas que légale, elle est aussi morale.

En effet, personne n’ignore que nous avons toujours craint qu’on utilise le problème de la prescription comme un argument qui servirait à faire disparaître la notion de responsabilité morale. En effet, sans l’acceptation de cette responsabilité morale, l’État comme les communautés religieuses, comme le corps médical n’auraient aucune raison de «réparer les pots cassés». Or, à cet effet, c’est moins des regrets que nous attendons, ainsi que le suggère le Protecteur, que des excuses. Cette notion d’excuse induit la notion de responsabilité, voilà pourquoi nous la préférons à la notion de regret.

Enfin, au chapitre 5 de son rapport, maître Jacoby relève les difficultés rencontrées par les Enfants de Duplessis dans leur lutte devant les tribunaux. Même si nous sommes généralement d’accord avec ce constat qu’il fait à cet effet, nous désirons y apporter une nuance fort importante. En effet, l’expérience des Enfants de Duplessis illustre une difficulté d’accès à des poursuites collectives au civil et au processus de plaintes au criminel.  Par ailleurs, la seule fois qu’il leur a été permis d’avoir accès à la justice, ils ont eu gain de cause. De plus, jamais les juges Denis, Lachapelle et Morneau, qui ont tous trois refusé la formule du recours collectif, n’ont prétendu d’aucune façon que les allégations des requérants étaient malveillantes ou mêmes fausses ou mêmes non fondées en droit. Tout cela renforce à notre avis la position des Enfants de Duplessis et l’autorité morale du rapport du Protecteur du citoyen dont la position est essentiellement basée sur le droit autant que la justice au sens large.

Nous tenons à le souligner, ce rapport a fait avancer notre propre réflexion et nous a donné l’audace d’aller plus loin encore. Ainsi, dans le dossier des Enfants de Duplessis, des fautes fondamentales ont été commises: des droits de l’homme ont été violés. Certaines de ces fautes ont été prémiditées. Les faits sont alarmants et le problème de justice qui en découle concerne, non seulement la population québécoise ou canadienne, le problème concerne les populations du monde. On le sait, les pays occidentaux se sont donné le droit de protéger les droits de l’homme à travers tous les pays, voilà pourquoi nous disons qu’un problème lié aux droits de l’homme concerné l’humanité, pas seulement une administration locale, provinciale ou nationale. Il faut bien réaliser que les crimes contre l’humanité, ce n’est pas un problème proprement québécois. Nous verrons plus loin l’incidence de ce point de vue concernant la proposition du comité multipartite contenu dans le rapport. Examinons d’abord le contexte social et institutionnel où ces fautes fondamentales ont été commises.

Les connaissances de l’époque

Dans son rapport, le Protecteur du citoyen affirme que le personnel religieux exerçait souvent ses fonctions en l’absence de connaissances suffisantes dans le domaine psychiatrique. Les distinctions établies aujourd’hui entre déficience et maladie mentale, entre maladie et délinquance, étaient trop floues, ajoute-t-il. Ici, l’on nous permettra de ne pas partager ce point de vue.

L’État de la psychiatrie tel qu’il était dans les années quarante et cinquante, ne peut constituer, aujourd’hui, un argument sérieux en faveur de l’ignorance des «connaissances». Pour le docteur Heinz Lehmann, spécialiste en psychiatre et fort actif dans les années cinquante, les erreurs de diagnostics ne relèvent pas de l’absence de la recherche scientifique dans les hôpitaux, ni du manque de connaissances psychiatriques, «on savait tout de même reconnaître une maladie psychiatrique à cette époque 4»  L’ancien député Denis Lazure, lui-même psychiatre, à l’émission Droit de parole, va dans le même sens: «Ce n’est pas vrai de croire que, même dans les années 50, les médecins ne pouvaient pas faire la distinction entre une déficience mentale et une intelligence moyenne. Ce n’est pas vrai. Oui, on connaissait suffisamment [la psychiatrie] pour faire la différence5.

La naissance du Mont-Providence, par exemple, fut tributaire des connaissances psychologiques et pédagogiques de son époque. C’est pourquoi, ainsi que nous l’avons démontré dans Mémoire d’asile, son changement d’orientation n’a rien à voir avec ces mêmes connaissances.  On connaissait les causes, ainsi que l’écrivait déjà en 1950, Soeur Saint-Michel Archange:

  • Les techniques modernes, tels que les tests standardisés ont permis     d’évaluer d’une façon assez précise le niveau intellectuel     de l’individu.  Elles nous ont en même temps permis de constater     la proportion effarante de nos sous-doués, notamment dans les     institutions, et surtout chez les enfants qui n’ont jamais connu que     l’institution depuis leur naissance.

A l’hôpital Saint-Michel Archange – autre exemple – l’on dispensait déjà, à partir de 1949, un cours de perfectionnement en neuropsychiatrie dont le service fut fondé par une religieuse, Soeur Saint-Ferdinand. Le cours s’adressait aux infirmières et infirmiers diplômés. Il s’agissait de former des responsables d’unités de soins pour l’enseignement clinique et de préparer des assistants et des assistantes aux spécialités en psychiatrie des hôpitaux généraux. L’hôpital-école accueillait les étudiants inscrits au cours de technologie médicale de l’université Laval. Des laboratoires se développaient rapidement. Des religieuses et des membres du personnel laïc de l’hôpital Saint-Michel Archange suivirent des cours en neuropsychiatrie, en technologie médicale, en archives médicales, en comptabilité et en administration hospitalière, entre autres, afin d’être au fait des plus récents développements dans leur domaine7.

Dès 1949, un vaste programme d’aide à l’hygiène mentale fut mis sur pied par les gouvernements fédéral et provincial. Il s’étendait notamment à l’amélioration et à l’extension des services d’examen, de recherche et de traitement, à la formation des psychiatres, des infirmières et des techniciens spécialisés, et à l’organisation des services psychologiques et sociaux8.  Pour la Conférence religieuse canadienne la conclusion s’impose: «L’état des connaissances, dans divers domaines, explique en effet les modalités d’organisation [des] services.»9   Si, tel que l’a écrit le docteur Jules Lambert, dans son livre Mille fenêtres, la psychiatrie moderne a fait son profit des connaissances acquises au cours des ans, il serait donc erroné de penser que les années quarante et cinquante auraient été, en cette matière, des exceptions.

Des critères objectifs d’indemnisation

Au chapitre 6, le Protecteur du citoyen résume l’expérience canadienne relativement à des situations semblables. Il s’agit selon nous, d’une pièce maîtresse de ce rapport, laquelle fait appel à l’autorité morale et juridique des précédents. Il importe que ces précédents soient analysés à fond et que leur application tienne compte des distinctions au chapitre de l’étendue et la nature des préjudices des Enfants de Duplessis. En effet, la majorité des précédents réfère à l’indemnisation, principalement pour les abus sexuels.  C’est un élément important dans la lutte des Enfants de Duplessis, mais, pour notre groupe, il s’ajoute aux autres dommages tels: faux diagnostic médical, internement psychiatrique injustifié, divers sévices physiques et psychologiques, exploitation économique, perte de scolarité et perte de jouissance de la vie. Tous ces dommages illustrent une chose: à cette époque, les Enfants de Duplessis étaient victimes d’un jeu politique sans le savoir et les enjeux étaient d’ordre financier. Le protecteur du citoyen le dit lui-même: «C’est en raison des querelles fédérales-provinciales que la tragédie des Orphelins de Duplessis est survenues10» A cet égard, nous devons au Protecteur du citoyen une analyse transparente des enjeux politiques et économiques sous-jacents aux services de l’enfance abandonnée.

Par contre, dans son rapport, les critères dits objectifs, le Protecteur du citoyen les a réduits à deux: l’intemement illégal (mesurable en termes d’années) et les agressions sexuelles ou les abus physiques. Pour lui, d’une part, le critère de l’intemement semble inclure le critère du faux diagnostic; d’autre part, il exclut, dans les critères d’indemnisation, l’absence d’instruction et l’exploitation économique. Selon le Protecteur du citoyen, l’absence de critères précis ne permettrait pas suffisamment de bien différencier les dommages individuels. A ce sujet, cette partie du rapport est probablement la partie la moins précise, voire la moins complète. Si on relie cette partie à la synthèse des expériences canadiennes (page 47), nous pouvons mieux mesurer l’effet à la baisse des chiffres qui en découle et que le Protecteur suggère au profit de notre groupe sans qu’on en comprenne la véritable logique.    Aussi, les conclusions de cette synthèse ne semblent pas conséquentes par rapport à l’excellente analyse qui l’a précédée. Les préjudices nous semblent mal identifiés. Certains sont communs, d’autres particuliers. Il faut rappeler l’absence d’un préjudice commun: la perte de jouissance de la vie.  L’évaluation monétaire des préjudices nous apparaît donc un volet de ce dossier qu’il faudra compléter.  Surtout lorsqu’on mettra les chiffres en perspective.

Bien que ce ne soit pas son intention, nous craignons un effet de simplification qui risque de conduire à une justice «à rabais». En effet, la notion d’indemnité moyenne devra être abordée avec circonspection afin qu’elle ne soit pas un prétexte au nivellement des indemnités à la baisse.  Il en résulterait des injustices sérieuses en plus de réintroduire une injustice arbitraire.

En fait, aux fins d’en préciser la nature et leur pertinence, nous proposons sept critères factuels pouvant faire l’objet de réclamations.  Chacun de ces préjudices devra être évalué spécifiquement et séparément pour chacun des Enfants de Duplessis.

  •     1. Le faux diagnostic;     2. L’internement illégal     3. L’absence d’instruction     4. L’exploitation économique     5. Les agressions sexuelles ;     6. Les préjudices particuliers     7. La perte de jouissance de la vie;

 Par ailleurs, le Protecteur du citoyen se préoccupe d’identifier le groupe de personnes désignées «les».  Il considère trois catégories de personnes pouvant être indemnisées:

  • 1. Les personnes qui ont été internées sans     diagnostic valable;
    2. Les personnes qui ont subi des agressions sexuelles ou des     sévices corporels résultant de châtiments allant     au-delà du droit de correction modérée alors reconnu;
    3. Les personnes qui ont été institutionnalisées     avant l’âge de 12 ans à compter des années 1930 jusqu’en     1965.

En ce qui concerne les conditions d’application de la proposition, nous voudrions apporter un certain nombre de clarifications, de conditions concernant les pistes de solution soumises. Quant à quelques désaccords, nous les exprimerons en cours d’analyse.

Un premier désaccord concerne la définition des personnes qui doivent être indemnisées. La clientèle des orphelins a constitué, contrairement aux enfants des familles, une clientèle captive. Leur exploitation comme leur manque d’instruction a posé, au cours de leur existence, un réel problème d’employabilité.  Main d’oeuvre gratuite et perte de revenus (potentiels ou réels) sont synonymes d’appauvrissement. Il en était de même pour le travail à la ferme alors que la clientèle des orphelins était une clientèle captive et vulnérable, abandonnée à elle-même. Mutilation, esclavage, non rémunération, etc.

D’ailleurs, le Protecteur du citoyen lui-même reconnaît que la grande majorité des enfants ne savaient ni lire ni écrire à leur majorité, lorsqu’ils sortaient des institutions. Ce qu’il faut considérer ici, c’est le sous-développement intellectuel dans lequel les Enfants de Duplessis ont été entretenus. Et cela, nonobstant l’obligation qu’avaient les communautés religieuses de donner une instruction adéquate aux enfants dont elles avaient la charge et pour lesquelles elles recevaient des subventions. Elles allaient ainsi – elles ne pouvaient l’ignorer – à l’encontre de la Loi sur l’instruction obligatoire votée en 1943.

Chez plusieurs, l’absence de scolarisation est synonyme d’analphabétisme.  Le préjudice ne se réduit pas à une baisse ou à une absence d’instruction.  L’absence de langage résultant de leur situation est un préjudice fondamental dans le développement de la personne. Le préjudice a conduit à une mésadaptation sociale qui a entreiné l’ostracisme. On aura compris que dans les familles, l’absence d’instruction ne constitue pas un facteur de mésadaptation et d’ostracisme, encore moins un problème d’employabilité.  Sans compter – pour la plupart des Enfants de Duplessis au deux tiers de leur vie – l’impossibilité, de combler leur manque d’instruction.
La définition du Protecteur exclut celles dont les préjudices sont exclusivement l’absence d’instruction ou l’exploitation économique. Le motif invoqué est que telles situations étaient fréquentes dans la société à cette époque. Nous ne partageons pas cette analyse qui, par exemple, met sur le même pied le fils d’un agriculteur, que le père retire prématurément de l’école, pour le faire travailler sur la ferme avec L’Enfant de Duplessis qui travaille sur cette même ferme sans rémunération et sans possibilité de scolarisation. Le premier travaillait dans une entreprise familiale dont il était vraisemblablement l’héritier économique et social avec un avenir et une place dans la société et la reconnaissance dans son milieu. Le second était chômeur ou assisté social en puissance, sans instruction ni formation et à la merci d’emplois précaires mal rémunérés et sans héritage possible.

Quant à l’établissement d’un faux diagnostic de déficience, d’arriération ou de débilité mentale, il est un dommage en soi puisque ce diagnostic oblige tout intervenant à traiter la personne comme telle. Ce qui l’a placée (la place encore) dans un statut d’infériorité juridique et sociale qui se poursuit bien après sa majorité. Encore aujourd’hui, plusieurs des nôtres sont plongés dans une absence totale de droits civils fondamentaux. Comme l’affirme le Protecteur du citoyen, tous les mécanismes sont en place pour maintenir une longue dépendance institutionnelle qui a rendu difficile le processus de réinsertion sociale. C’est pourquoi, le gouvernement doit s’engager le plus tôt possible à prendre toute mesure législative afin d’enrayer à jamais le faux diagnostic d’arriération, de déficience ou de débilité mentale, ou toute formulation qui s’y réfère. Le seul fait d’avoir été traité comme un malade mental, d’avoir été interné comme tel a ébranlé à jamais les fondements de leur personnalité. Pour certains qui en portent encore les séquelles, les retards sont devenus chroniques ou irréversibles.

Dans ce contexte, il appert donc que l’exploitation économique et la non-scolarisation des enfants de Duplessis ne peuvent être confondus avec des phénomènes sociaux de l’époque et doivent être reconnus comme des préjudices en soi et indemnisés en conséquence.

Une preuve vraisemblable

Ici, la tentation est grande de reproduire les mécanismes que le Protecteur veut lui-même éviter. Plusieurs des nôtres sont inquiets des mécanismes qui seront mis en place pour établir une «preuve vraisemblable». Cette preuve à établir imposera-t-elle des mécanismes similaires aux mécanismes déjà existants dans le processus judiciaire?  Si oui, les victimes retourneront à la case de départ.

Comment, en effet, établir une preuve vraisemblable en l’absence de documents, de dossiers ou de toute autre preuve dite indépendante?  Un tel procédé ramènerait les mêmes difficultés rencontrées en cour. Sans compter que le Protecteur du citoyen, n’ayant pas mis en doute la déontologie policière (pouvait-il le faire?), quelle valeur faut-il accorder aux méthodes d’enquêtes qu’ils ont faites et qui serviraient de «preuves vraisemblables» mais qui ont déjà été rejetées par le Procureur général?  Il ne faut pas oublier que les conclusions de ces enquêtes nous sont apparues incomplètes, sinon erronées. Ainsi qu’on le voit, les coûts et traumatismes associés au processus judiciaire ont aisément «victimiser» à nouveau les personnes. Que l’on pense aux 321 plaintes qui ont été rejetées par le Procureur général.

En effet, devant le rejet de leur plainte par la Direction générale des affaires criminelles et pénales, deux d’entre eux, Guy-Marc Royal et Antoine Ceran ont présenté à nouveau leurs plaintes, mais cette fois, d’abord devant le juge Joël Guberinan (pré-enquête), puis devant le juge Jean B. Falardeau.  Contrairement au Procureur général, tous deux ont conclu qu’il y avait matière à procès. Malheureusement, en raison de son décès, la plainte de Guy-Marc Royal fut automatiquement retirée. Quant à la plainte d’Antoine Ceran, elle fut entendue par le juge Claude Vaillancourt et connut son aboutissement le 29 février 1996 en raison d’un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé.  Ici, pour la première fois, c’est important de le souligner, la preuve émane du processus judiciaire lui-même, non plus des plaignants.
Nous sommes d’avis que les jalons proposés pour la mise en oeuvre du programme d’indemnisation au chapitre 8.4 et 8.6 nous semblent valables, mais étant très généraux, il nous faudra attendre des précisions pour nous prononcer plus amplement.

Toutefois, nous tenons dès maintenant à formuler une exigence qui est de la plus haute importance dans le contexte du présent dossier.  Nous reconnaissons l’importance d’un processus rigoureusement balisé afin que seuls ceux qui y ont droit soient indenmisés.  Toutefois, imposer des règles de preuve au fardeau excessif aurait pour effet de réintroduire les limites du système judiciaire et fausser les règles du jeu.

C’est ainsi que des modes de preuve tels que la preuve affidavit détaillé ou la convergence des témoignages (corroboration) devront être nécessairement envisagés dans les cas où les autres preuves sont impossibles.  Telles preuves pourront être contrôlées par divers mécanismes raisonnables et en cas de doute il faudra en faire bénéficier le réclamant. Dans cet esprit, les dossiers et documents devront être mis à la disposition des intéressés par les institutions qui les détiennent à défaut de quoi, les modes de preuve alternatifs seront nécessaires.

La valeur des indemnisations

Aux fins d’établir leur valeur monétaire, chaque critère d’indemnisation doit être évalué de façon séparée.  Toutefois, à partir des sept préjudices fondamentaux, on peut parler d’une superposition de préjudices, tantôt communs, tantôt particuliers.

Certes, nous comprenons, ici, que le montant moyen des indemnités doit s’inspirer des montants versés dans les autres provinces canadiennes pour des situations similaires.  Toutefois, cette observation du Protecteur du citoyen vaut si l’on s’en tient aux agressions sexuelles.  De ce point de vue, la moyenne des compensations se situe entre 26 000$ et 41 000$, par exemple. Cette moyenne n’inclut pas l’indemnisation suite aux faux diagnostics ou à l’intemement illégal de l’individu.

Certaines expériences sont certes intéressantes, mais certains dossiers, n’étant pas fermés, présentent des conclusions hâtives. A Terre-Neuve, 38 victimes se partageront 10 millions de dollars. Selon quelles modalités?  Malheureusement, lorsque certains chiffres apparaissent concluants, leur pertinence n’est pas reconduite dans notre propre dossier. Prenons l’exemple de l’hôpital Saint-Ferdinand où, suite à un conflit syndical, le syndicat a dû dédommager les victimes. Le tribunal a justifié des dommages de 300 $ par mois pour chacun des mois de séjour dans ce centre d’accueil. 300$ par mois, c’est 3 600$ par année par individu qui a été privé de soins habituels. Or, dans notre dossier, le Protecteur du citoyen propose un montant de 1 000 $ par année d’intemement illégal.  Mis en perpective, compte tenu de la gravité du préju ice, ce montant apparaît nettement insuffisant, voire dérisoire. Si tel devait être le cas, une fois de plus, même en toute bonne volonté, les Enfants de Duplessis seraient maintenus dans le processus historique qui a été leur lot, celui de la discrimination et de l’exclusion.
Prenons un autre exemple, celui d’un préjudice commun, le faux diagnostic médical.  En Alberta, Madame Muir s’est vu attribuée, en sus d’autres compensations, 300 000$ d’indemnisation pour avoir été faussement déclarée malade mentale ou traitée comme telle. Dans la proposition du Protecteur du citoyen, le préjudice du faux diagnostic n’est pas évalué en lui même; il est lié au préjudice de l’intemement illégal.  Il y a un raccourci injustifié.  Toutefois, en droit, l’argument du nombre ne tient pas. Chaque individu ayant subi des préjudices est un justiciable. Un tort, c’est un tort. Quant à la durée de l’intemement à l’asile, elle doit être déterminée à partir de la date d’entrée de la personne dans une institution, peu importe le nombre de transferts, de St-Ferdinand d’Halifax à St-Jean-de-Dieu par exemple, et celle de sa libération officielle.
Par ailleurs, l’Institut médico-pédagogique du Mont-Providence, devenu un hôpital psychiatrique, pose un problème particulier dont ne tient pas compte le rapport. Les dossiers médicaux d’un grand nombre de pensionnaires indiquent deux dates d’entrée.  La première admission correspond à la période d’avant le changement de vocation; la deuxième admission a été faite principalement au mois de mars 1955. Dès ses débuts, le Mont-Providence était une école spécialisée dans l’éducation des enfants déficients et les orphelins venant des crèches étaient considérés comme tels au même titre que ceux qui venaient de Saint-Jean-de-Dieu. Déjà, entre 1950 et 1954, la clientèle du Mont-Providence était considérée comme déficiente et subventionnée à cette fin. Pour cette clientèle, les effets de l’intemement ont donc commencé avant 1955.

Quant à toutes les considérations factuelles particulières aux autres provinces canadiennes, au contexte juridique dans lequel elles ont été traitées, et les divers mécanismes d’indemnisation mis en place, nous avons mandaté nos procureurs de les examiner à la loupe afin de puiser toute matière utile au règlement de notre propre dossier. Nous leur avons aussi demandé de regarder les mécanismes de règlement similaires au Québec même. Dans tout cela, il ne faut pas mésestimer le rapport de force réel qui a joué en faveur de compromis dits acceptables: prendre moins pour ne pas avoir rien. Dans notre dossier, s’il y a lieu, nous ne voulons pas reproduire les mêmes mécanismes de négociations à rabais.

La solution globale a certes des avantages, mais elle ne doit pas devenir l’expression d’un nouvel abus. Pour mesurer la pertinence de la solution présente, il faut projeter dans l’avenir ce que l’histoire en dira. C’est une façon de jauger le présent.

Enfin, nous sommes d’accord avec le principe suivant: le régime d’indemnisation sans égard à la faute ou à la responsabilité ne devra pas être obligatoire. Les personnes insatisfaites du règlement proposé doivent, en cas de refus, conserver leur droit de s’adresser aux tribunaux. Toutefois, une question s’impose: quel sens et quelle valeur réelle a ce droit de refus en regard de la fragilité et de la vulnérabilité de nos membres?  Par ailleurs, le versement de l’indemnité selon la formule d’une rente viagère nous apparait très pertinente.

Le partage de l’indemnisation

Nous jugeons fort intéressante la formule d’indemnisation individuelle doublée d’indemnisation collective, c’est-à-dire des sommes destinées à soutenir des structures d’aide aux Enfants de Duplessis sous formes de divers services d’aide. Toutefois, ce genre d’indemnisation ne devrait pas se faire au détriment de justes indemnisations individuelles.

Nous sommes d’accord que chaque partie était là au début, pourquoi l’une d’elle serait-elle absente à la fin?  L’État doit assumer ses responsabilités et il lui appartient avec les moyens dont il dispose de faire partager les coûts de ce programme par toute partie qu’il juge appropriée eu égard aux circonstances.

Les communautés religieuses.  Rappelons qu’elles ont reçu des sommes aux fins de prendre soin des enfants. Leurs propriétés privées ont été largement subventionnées. Elles ont aussi été exemptées d’impôt tout en pouvant «capitaliser» tant sur la vente de leurs propriétés (souvent obtenues gratuitement) que sur leurs placements. A combien, aujourd’hui, s’évalue le portefeuille de valeurs immobilières et d’obligations des communautés religieuses?  Une chose est sûre, elles ne peuvent nier leur capacité à contribuer au programme d’indemnisation.

Le corps médical.  Tout ce qui est médical relève de la juridiction des médecins. C’est une convention sociale établie sur la base d’une confiance réciproque. Dans le dossier des Enfants de Duplessis, cette confiance a été brisée à cause du manque d’éthique de certains. Moins en raison des faux diagnostics du passé (ce qui serait déjà une raison valable en soi) qu’en raison du silence actuel de la Corporation des médecins concernant les pratiques antérieures de certains de leurs membres. Comme si ces pratiques antérieures n’avaient pas de conséquences aujourd’hui chez les patients qui ont été victimisés. Cela n’a rien à voir avec le fait qu’il soit engagé par les communautés religieuses ou par l’État, et cela peu importe leur nombre.

Est-ce trop demander à la Corporation des médecins du Québec (maintenant le Collège des médecins du Québec) de prendre fait et cause pour les victimes d’erreurs médicales, et de au nom de leur éthique professionnelle et de leur responsabilité sociale?  Malgré ces erreurs médicales reconnues d’il y a 40 – 50 ans, les conséquences sont encore présentes. D’ailleurs ces victimes du passé se font encore soigner par les médecins d’aujourd’hui. Nous laissons à la Corporation le soin de déterminer les modalités de sa contribution à notre lutte pour obtenir justice.

Les gouvernements.  En ce qui concerne celui du Québec, les sommes nécessaires à l’application du même programme pourraient être prélevées à même le Fonds consolidé du revenu de la Province qui, au cours des ans, a été alimenté par une partie des fonds de la Curatelle publique. A cet effet, est-il besoin de rappeler que depuis 1945, l’actif du curateur public était évalué en décembre 1993 à 60 millions $. De ce montant, 22 millions $ appartenaient déjà au gouvernement. Compte tenu du vieillissement de la population et des trois dernières années qui se sont ajoutées, on peut présumer d’un montant disponible plus élevé encore.  Qu’est-il advenu des 38 millions $ qui, en 1993, étaint coincés dans les coffres du curateur public?  Si la loi le permettait, cette somme pourrait-elle servir aux fins du programme d’indemnisation?

Nous sommes même d’avis que le gouvernement du Québec devra étudier toutes les possibilités existantes pour tenter d’obtenir une contribution financière du gouvernement fédéral à ce programme d’indemnisation, comme c’est le cas, dans les autres provinces canadiennes, dans des dossiers de cet ordre. Le surplus de l’assurance-emploi qui atteindra 12,2 milliards l’an prochain, s’il peut servir à financer la réduction du déficit pourrait sûrement servir, tout aussi à bon escient, à financer la réduction du déficit humain que constitue le lot des Enfants de Duplessis.

Le C.O.O.I.D. s’attend aussi à ce que les coûts de mise en Oeuvre du programme de réparation soit à la charge de l’État, en sus des indemnités payées aux victimes selon la grille. Dans cet esprit, cette formule d’indemnisation doit inclure les honoraires des procureurs qui devront accepter une rémunération sur un tarif horaire établi selon les critères acceptés par les deux parties. Il faudra prévoir également le remboursement des frais juridiques et honoraires d’avocats pour ceux qui se désistent de leur action pendante devant les tribunaux civils.

Le comité multipartite

Concernant notre dossier, le Protecteur du citoyen croit qu’on touche aux limites, de recours judiciaire. Les délais, le temps écoulé, les coûts, les difficultés techniques et juridiques constituent des obstacles nombreux et récurrents. Considérant ces limites, le Protecteur du citoyen propose que le Comité multipartite apprécie les réclamations à la lumière des preuves soumises à leur appui en tenant compte, lorsque possible ou nécessaire, des éléments trouvés dans les archives, les rapports d’enquête ou tout document pertinent. S’inspirant des expériences canadiennes, le Protecteur croit que «là médiation permet aux victimes, traditionnellement impuissantes, d’exercer un pouvoir et de s’affirmer11«.  D’où, pour lui, la nécessité d’un règlement à l’amiable par le moyen d’une solution concertée.

Nonobstant, à ce sujet, les énoncés du Protecteur du citoyen, nous continuons notre réflexion sur les modalités du programme qu’il propose. Et dans l’élaboration et la mise en oeuvre de ce programme, notre crainte, c’est d’être noyé. Peu importe les modalités techniques de ce programme d’indemnisation, les principes qui devront sous-tendre sa mise en oeuvre ne sont pas négociables:

  •     1. une instance décisionnelle indépendante de toutes les parties;
  •     2. une impartialité des règles de preuve et de procédures     établies à l’avance;
  •     3. une compatibilité avec les principes de justice naturelle;
  •     4. un mode transparent de nomination des membres de l’instance     décisionnelle.

L’idée d’un comité multipartite où chacune des parties apportera son point de vue nous convient. Nous sommes parfaitement à l’aise avec l’échange et le dialogue. Toutefois, il ne faut pas confondre ce comité multipartite avec l’instance décisionnelle mentionnée plus haut.

De la même manière, un corps policier n’a pas le droit d’enquêter sur lui-même, de la même manière les institutions concernées ne devraient pas enquêter sur elles-mêmes. Il faut réaliser que, dans notre dossier, les communautés religieuses, le corps médical et l’État sont au banc des accusés.

Le comité de soutien

Le gouvernement devra fournir les moyens financiers et logistiques (espaces de bureaux, secrétariat, personnel) aux fins de mettre en oeuvre le programme d’indemnisation. Le gouvernement versera une somme forfaitaire annuelle à ce groupe de soutien pour répondre à des besoins spécifiques d’aide aux membres. Le nombre d’années permettant de recevoir cette somme forfaitaire, la valeur du montant annuel, la composition de ce groupe de soutien pourraient être détenninés ultérieurement.   Cette aide financière serait versée à une structure provisoire désignée sous le nom de comité de soutien. Nous concevons ce comité de soutien comme un élément indissociable de l’instance décisionnelle.
Il importe, ici, de prendre conscience de l’importance et de la nécessité impérieuse de ce comité de soutien. La clientèle du COOID exige un mécanisme d’accompagnement dans toutes les étapes de demande d’indemnisation: l’annonce et l’explication du programme, la recherche des dossiers et leur évaluation par l’instance décisionnelle et le suivi des différents services.

Conclusion

S’il est habité par un sens de la justice humaine, le gouvernement ne peut ignorer les conclusions de ce rapport. Rappelons, affirme le Protecteur du citoyen, que même en l’absence d’une responsabilité légale, l’acceptation de sa responsabilité morale n’est pas nouvelle pour un gouvernement.  «L’important, déclare-t-il, c’est que ces personnes-là, aujourd’hui, avant qu’elles ne meurent, puissent bénéficier de compensations qui soient à la mesure des injustices dont elles ont souffert».  Nous croyons que l’État ne peut décemment se dérober de ses obligations face aux Enfants de Duplessis telles que résumées dans ce rapport et maintes fois exprimées par le COOID.

Advenant une insensibilité, voire une irresponsabilité dans ce dossier de la part de l’actuel gouvernement, notre lutte se poursuivra avec notre indomptable volonté d’obtenir justice. Si, donc, l’État refuse ou retarde indûment l’application du programme de réparation, il est clair qu’on va continuer la lutte plus organisée que jamais, plus vigoureuse si cela est possible. Dans les moyens envisagés, il n’est pas exclu de recours aux tribunaux, ici ou ailleurs, selon des approches différentes de celles utilisées jusqu’ici.

Que le gouvernement sache que les 13 paramètres formulés à la fin du rapport du Protecteur du citoyen constituent pour notre groupe une base minimale de discussion et nous sommes disposés à entreprendre des négociations inunédiatement.

La solution rapide que souhaitait le Protecteur du citoyen exigeait que le ministre de la justice rende publique son appréciation du rapport et qu’il mette sur pied, au plus tard trois mois après son dépôt, un comité multipartite qui recevrait les plaintes. Le rapport de ce dernier est paru le 22 janvier dernier.  En date d’aujourd’hui, aucune position officielle du gouvernement n’a été exprimée.  Ne pas répondre, pensons-nous, c’est non pas seulement refusé, c’est nié le bienfondé de ce rapport. Qu’est-ce donc qui se perpétue dans notre dossier?  Encore l’indifférence, toujours l’indifférence.

Le ministre de la justice en est-il un pour les tablettes ou pour les justiciables?  Veut-il entraîner son gouvernement à faire du Québec une société distincte de l’injustice?  Si le Ministre de la justice suite à la lecture du rapport du Protecteur, n’était pas en mesure de se faire une idée de notre drame et de ses conséquences, il aurait un sérieux problème de crédibilité, voire de congruence avec sa fonction. Nous espérons que son long silence en était un de réflexion.

On demande au citoyen d’être plus moral que l’État dont l’image, pourtant, exige d’être restaurée. Dans notre dossier, l’occasion lui est donnée. L’État doit se montrer digne d’être respectée. Comme le dit la sagesse populaire: l’exemple entraîne l’exemple.

Enfin, si, dans les pays visités, ainsi que nous lui écrivions dernièrement, le Premier ministre trouvait que le traitement réservé aux enfants était inacceptable, comment peut-il en être autrement, ici, en regard de ceux qu’on appelle les Enfants de Duplessis?  Serait-il possible, aujourd’hui, que nous puissions profiter de son devoir «d’influence humanitaire»?  Puisse le Premier ministre du Québec, ici en terre québécoise, avoir le même courage politique qu’il avait manifesté à Séoul afin de venir en aide à ces enfants qui semblent, par leur vulnérabilité, l’avoir tant attristé. Car le temps n’est ni à l’attente ni à l’indifférence; il est à la réconciliation avec la justice elle-même.

Propositions

Les propositions suivantes reconduisent certaines recommandations du Protecteur du citoyen que le C.O.O.I.D. endosse et qu’il a intégré à l’ensemble de ses propres recommandations.

1. Des excuses de la part des principaux acteurs que sont le gouvernement les congrégations religieuses concernées et l’ordre professionnel des médecins.

2. Le gouvernement doit s’engager le plus tôt possible à prendre toute mesure législative afin d’enrayer à jamais le faux diagnostic d’arriération, de déficience ou de débilité mentale, ou toute formulation qui s’y réfère.

3 . Nous proposons sept critères factuels pouvant faire l’objet de réclamations. Chacun de ces préjudices devra être évalué spécifiquement et séparément pour chacun des Enfants de Duplessis.

  •     1. Le faux diagnostic     2. L’intemement illégal     3. L’absence d’instruction     4. L’exploitation économique     5. Les agressions sexuelles     6. Les préjudices particuliers     7. Perte de jouissance de la vie

4. L’évaluation devra permettre d’établir, pour chacune des victimes qui demande réparation, une indemnité personnelle cumulative selon, s’il y a lieu, la gravité du préjudice.

5. Le gouvernement doit prendre toute mesure juridique et administrative pour assurer la conservation et la cueillette des dossiers des Enfants de Duplessis.

6. La durée de l’intemement à l’asile, elle doit être déterminée à partir de la date d’entrée de la personne dans une institution, peu importe le nombre de transferts, de Saint-Feminand d’Halifax à Saint-Jean-de-Dieu par exemple, et celle de sa libération officielle.

7. Dans le cas du Mont-Providence, la durée de l’intemement doit être établie à partir de la première date d’entrée jusqu’à la sortie de l’institution.
8. Le processus d’indemnisation doit garantir l’indépendance, l’impartialité et la compétence des membres de l’instance décisionnelle.

9. Les règles de procédure et de preuves applicables à l’instance chargée de décider de la recevabilité et du montant des indemnités devront absolument tenir compte des difficultés propres à ce genre de réclamation dont, notamment, le temps écoulé depuis le préjudice subi.

10. Les gouvernements provincial et fédéral, les communautés religieuses et le corps médical doivent contribuer financièrement au fonds d’indemnisation, selon des proportions qu’elles doivent négocier.

11. Tout débat ou désaccord entre ces parties ne devrait en aucune façon servir de prétexte à l’état pour retarder la mise en place du programme d’indemnisation.

12. Le COOID exige que les coûts de mise en oeuvre du programme de réparation soit à la charge de l’État, en sus des indemnités payées aux victimes selon la grille. Dans cet esprit l’État devra asswner les coûts des honoraires des divers professionnels au service des Enfants de Duplessis qui ont intenté des actions visant leur indemnisation.

13. Le gouvernement doit prévoir le remboursement des frais juridiques des Enfants de Duplessis.

14.    a)  Une indemnité personnelle sous forme de forfaitaire payé en une seule fois; ou

b) Au-delà d’un certain montant d’indemnité à être déterminé par le comité, l’échelonnement du forfaitaire sur une période qui ne devrait pas excéder cinq ans, soit à la demande de la personne indemnisée soit, sur avis d’un professionnel, à cause de la vulnérabilité de la personne; ou

c) Exceptionnellement et en tenant compte de l’âge et des besoins de la personne, le paiement de l’indemnité sous forme de rente viagère.

d) Le forfaitaire échelonné et, le cas échéant, la rente viagère devrait être administrés par un organisme d’État ou, à sa demande et aux conditions à conclure, par un organisme privé.

15.  Un montant global devra été versé à un groupe de soutien pour répondre à des besoins spécifiques (thérapie, conseils financiers, apprentissage, alphabétisation, sépulture, etc.).

16. Les indemnités ne seront pas imposables et ne devront pas avoir pour effet de réduire le montant d’autres prestations gouvernementales.

17. Création d’un comité de soutien afin d’assurer que chacun des Enfants de Duplessis visé par le programme soit totalement en mesure d’en bénéficier selon les règles établies

18. Dès qu’un dossier a été jugé recevable à sa face même, prévoir un mécanisme d’indemnisation partielle et accéléré dans les cas de besoins urgents.

19. Les décisions devront être rendues dans un délai court et pourront faire l’objet d’une révision.

20. Toute personne qui ne désire pas se prévaloir du programme ou qui refuse le montant de l’indemnité conserve son recours devant les tribunaux.

21. Le C.O.O.I.D recommande pour les professionnels une rémunération sur un tarif horaire établi selon les critères acceptés par les deux parties.


1   Réactions au rapport du Protecteur du citoyen

2. Protecteur du citoyen, Les Enfants de Duplessis à l’heure de la solidarité, Sainte-Foy, 22 janvier 1997, p. 54

3 Ibid, p.28.

4. Heinz Lehmann, «Cinquante-cinq ans de révolution psychiatrique», L’Actualité, vol. 18, no 8, mai 1993, p. 16.

5. Droit de parole, télé-Québec, 27 janvier 1995, animatrice, Anne-,Marie Dussault.

6.  Soeur Saint-Michel Archange, s.m., l’institution et le développement social de l’enfant juin 1950, p. 18.

7. LAMBERT, Jules Mille fenêtres, Centre hospitalier Robert-Giffard, Beauport, 1995, p.86.

8. Ibid, p.74.

9. MALOUIN, Marie-Paule et all., L’univers des enfants en difficulté au Québec entre 1940 et 1960, Montréal, Bellarrnin, 1996, p.440.

10.    À l’émission Maisonneuve à l’écoute, RDI, 29 janvier 1997.

11.    Rapport du Protecteur, p.40.