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L’histoire comme témoin: d’hier à aujourd’hui

Présentation

Par l’existence de cette rubrique, nous voulons rectifier les points de vue et corriger les trop nombreuses affirmations erronnées qui circulent dans notre dossier dans le cadre d’un révisionnisme historique douteux. Les extraits que vous allez lire (sorte de rappel historique) ont la particularité d’appartenir aux années 40 et 50 et s’appuient sur des rapports, études, correspondance, articles ou livres de la même époque. Le commentaire des sociologues ou des historiens (regard plus scientifique) complète la rubrique. Pour la première fois, la population peut avoir accès à une information factuelle et rigoureuse.

L’histoire comme témoin: d’hier à aujourd’hui

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L’histoire comme témoin :

d’hier à aujourd’hui

L’État a trop d’enfants pour être bon père.

Clémenceau, cité par Maurice Duplessis (Le Devoir, 17 mai 1944)

1. L’Église: une force d’encadrement ou les valeurs de l’époque

 

«Le passé ne pourra jamais être refait.»Lucien Bouchard, Premier ministre, Déclaration à l’Assemblée nationale, 4 mars 1999″On ne peut, hélas, refaire l’histoire.»Mgr Pierre Morissette, Président de l’Assemblée des évêques, Déclaration, Cap-de-la-Madeleine, 15 septembre 1999

Mais aussi longtemps que les enfants devront être admis à l’aveuglette i.e. que les institutions garderont l’autorité qu’elles possèdent maintenant pour acquérir les moyens de l’exercer adéquatement, une importante proportion de ces «placements» resteront nuisibles aux institutions et surtout aux enfants «placés».

Gérard Pelletier, «Histoire des enfants tristes«, Le Devoir, 30 juin 1950, p.4

Car, quoi qu’on pense, aucune équipe d’enquêteurs, aussi importante puisse-t-elle être, ne peut coûter aussi cher à la société que la politique de non-ingérence des autorités gouvernementales dans le domaine complexe de la charité publique».

Alice Poznanska (Parizeau), «La protection de l’enfance: un sujet interdit«, Cité libre, mai 64, p.21.

Dans une société moderne chaque enfant a le droit de recevoir l’enseignement le plus approproprié possible à ses aptitudes, à ses intérêts… et ce droit ce sont les pouvoirs publics qui ont la responsabilité d’en assumer la réalisation.

Guy Rocher, sociologue, cité par Solange Chalvin, Des centres résidentiels pour, l’enfance exceptionnelle et une véritable collaboration des ministères, Le Devoir, 16 mai 1966.

Notre système d’enseignement ayant été conçu de façon aristocratique, il ne s’est jamais penché sur l’enfant retardé, déficient, même notre système public l’a oublié. On l’a laissé doubler, tripler ses classes sans pour cela s’inquiéter, puis un beau jour, on l’a placé en institution pour s’en débarasser.

Solange Chalvin, Des centres résidentiels pour l’enfance exceptionnelle et une véritable collaboration des ministères, Le Devoir, 16 mai 1966.

«Enfin, l’Eglise s’affirme comme une force d’encadrement et de définitions idéologiques. (…) Quoi qu’il en soit, la capacité d’encadrement est considérable: en 1941, on compte un religieux, homme ou femme, pour 87 fidèles catholiques, ce qui représente un sommet».

Linteau et al. Histoire du Québec contemporain, (Le Québec depuis 1930), Montréal, Boréal compact, tome 2, pp.94-95 et 97.

La dominance des congrégations reposait ainsi sur la longue tradition d’absentéisme de l’Etat, de paternalisme et de monopole du clergé dans tous les domaines du social, et ce au nom de la charité chrétienne, du maintien de la langue, de la race et de la foi catholique. Aussi longtemps que la «normalité» de cet état de choses n’était pas remise en question, le système pouvait se perpétuer.

Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale, Editions Saint-Martin, 1984, p.58.

Admises volontairement à la Miséricorde, les pensionnaires s’y trouvaient bientôt séquestrées et soumises à une stricte discipline. […] Même si 53% des internes avaient plus de 21 ans, elles étaient toutes considérées comme des mineures. Les visites étaient contrôlées, la correspondance, censurée. […] Le statut d’une célibataire enceinte s’apparentait non seulement à celui d’une enfant mais aussi à celui d’une criminelle. Si le père de l’enfant était complice, la mère était donc coupable. En réalité, bien qu’assimilées aux criminelles, plusieurs de ces femmes étaient elles-mêmes victimes de crime. […] Quelles que soient les circonstances entourant la grossesse d’une célibataire, on prenait le plus grand soin pour protéger le monde extérieur de sa présence. Une fois admise dans l’institution, il était très difficile d’échapper à la séquestration. […] Pendant que le monde était protégé de sa présence, la mère célibataire vivait réduite à un état d’infantilisme.

André Lévesque, La norme et les déviantes, les éditions du remue-ménage, 1989, pp.126-127-128

«Dans la société québécoise des années cinquante, les fruits d’unions défendues menaçaient l’image véhiculée par les autorités religieuses et civiles, celle d’une société traditionnelle aux moeurs chastes. Il fallait donc les en exclure et les punir. L’Eglise catholique et le système psychiatrique se chargèrent de la besogne. (…) Mais qu’avaient, au juste, fait les enfants de Duplessis: absolument rien. Dès leur naissance, dès leur conception même, ils constituaient une menace. Comment donc rester insensible devant un tel exemple de victimisation?»

David Cohen, Université de Montréal, «Les enfants de Duplessis, des prisonniers politiques?», Le Devoir, 31 octobre 1992, p.12.

Des mesures politiques à ce oint barbares ne peuvent qu’entraîner des conditions de vie inhumaines pour les enfants de mères nécessiteuses et, surtout, pour les orphelins. En 1949, un journaliste publie des articles dans un journal de Toronto sur le triste sort réservé aux enfants des orphelinats du Québec. Ces articles font scandales. Jeune chroniqueur au Devoir, Gérard Pelletier mène à son tour une enquête sur le sujet. Son reportage révèle l’ampleur de la misère des enfants abandonnés. Dans un ouvrage récent, Pauline Gill dénonce les conditions affreuses faites aux «enfants du péché», aux orphelins et aux exclus de la société. D’où le titre Les enfants de Duplessis Pour la vérité de l’histoire, il importe de dire que ce n’est pas Duplessis qui a mis au point de régime moyen-âgeux. Ce n’est pas non plus la politique est qui est la première responsable, ici ou ailleurs, du malheur des enfants, mais la religion catholique et le protestantisme puritain. (… ) Duplessis, même s’il l’avait voulu, n’aurait pas disposé des moyens financiers ni de l’autorité morale pour mettre un terme à tous les abus. C’est tout le régime en vigueur, y compris la propriété et le contrôle des institutions par les communautés religieuses qu’il lui aurait fallu saborder.

Léon Dion, Québec 1945-2000. Les intellectuels et le temps de Duplessis, tome 11, Les Presses de l’université Laval, Sainte-Foy, 1993, pp. 105-106.

«Je pense que d’abord il faut établir que notre époque ou notre société actuelle peut se permettre un jugement rétrospectif sur son histoire sociale du Québec, sur l’éthique sociale contemporaine. Y’a une morale sur la base de laquelle on peut juger ce passé-là.»

Jacques Beauchemin, sociologue, Université du Québec à Montréal, Droit de parole, (sur les orphelins de Duplessis), Radio-Québec, 27 janvier 1995

Il y a une seule chose dont les communautés ont à s’excuser, c’est qu’elles avaient les moyens, à ce moment-là, de résister au gouvernement et de les faire agir et elles ne l’ont pas fait. Et les autorités religieuses de la même manière.

Maisonneuve à l’écoute Gérard Pelletier commente la série «Les orphelins de Duplessis», RDI, le 23 mars 1997

2. Les filles-mères: forcées d’abandonner leurs enfants

 

«On ne peut pas oublier le travail extraordinaire de centaines d’hommes et de femmes qui ont donné, pour certains, toute leur vie à s’occuper d’enfants qui leur étaient tombés littéralement sur les bras et qui n’étaient tout de même pas allés chercher.»Mgr Pierre Morissette, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999

«On s’efforce de les faire signer avant l’accouchement, m’expliquait une ex-éminente personnalité du monde de l’adoption, de façon à ce que la mère ne voie pas son enfant. Si on permet qu’elle le serre dans ses bras mêne une seule fois, l’affaire est compromise.»

Jacques Hébert, Scandale à Bordeaux, Les éditions de l’Homme, 1959, p.23

Il ressort des divers témoignages que j’ai recueillis que de fortes pressions sont faites auprès des filles-mères pour les engager à abandonner leur enfant. Celles qui croient qu’on leur a forcé la main pour les dépouiller d’un droit naturel n’ont pas manqué d’élever de véhémentes protestations. (…) Personne n’a le droit, sauf dans les cas de cruauté et de tactiques de corruption, de ravir un enfant de force aux auteurs de ses jours.

Arthur Prévost, Tout la vérité sur La fille mère et son enfant, Les Editions princeps, 1961, p.142.

Il n’est point d’enfants «illégitimes». Tout enfant, de par sa naissance même est légitime et devrait avoir plein droit au secours des lois. (…) Il faut voir la pression, les fourberies, les obséquieuses affirmations de fausse amitié qu’utilisent certaines (et parmi les plus connues) sociétés d’adoption pour enlever leurs enfants à ces infortunées. Tout est mis en oeuvre pour atteindre ce but: découragement de se sentir abandonnées; leur incapacité occasionnelle de payer la pension du petit; le fait que, parfois, elles sont empêchées par les circonstances d’aller visiter durant un certain temps. D’ailleurs, ces visites, on fait ce qu’on peut pour les empêcher: jusqu’à établir à des moments coïncidant avec les heures de travail des la mères.

Arthur Prévost, La fille-mère et son enfant, Editions Princeps, 1961, p.14

«Mais, ces patronymes n’indiquent aucunement la véritable filiation de l’enfant. Les autorités, gardiennes de la tenue des registres de l’état civil falsifiaient les documents au gré de leur fantaisie et des contraintes imposées par une société puritaine. (…) L’attestation d’abandon signée par la mère célibataire n’a de valeur que morale. Elle ne constitue pas un document légal admis par les tribunaux».

Reine Landry, Le cri de l’adopté, Stanké, 1984, pp..61 et 122.

3. L’orphelinat, l’asile ou la rue

 

«Le choix qui s’offrait, c’était de les laisser dans la rue ou de les prendre.»Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999

«Des orphelinats comptant des enfants non dénués de tout soutien ne pourraient plus recevoir les illégitimes qui sont censés quitter les crèches à six ans. D’où congestion dans les crèches qui auraient à prendre soin d’un groupe scolaire, parfois sans local approprié et sans personnel suffisant. La loi du plus grand bien, en suggérant de donner la priorité à ces enfants plus abandonnés, se trouvera à restreindre la liberté des parents légitimes».

Albert Plante, s.j., «Placements institutionnels et familial«, Relations, janvier 1947, p.8.

Pour certaines gens à l’heure actuelle la cause est définitvement entendue et le verdict ne fait aucun doute: le placement familial est non seulement la meilleure méthode de protection de l’enfance, il est la seule intelligente, la seule scientifique.»

Arthur Saint-Pierre, L’Oeuvre des Congréations religieuses de charité, Montréal, Editions de la Bibliothèque canadienne, enrg., 1932, p,17

Que le seul placement familial à recommander en faveur des orphelins et des illégitimes est celui de l’adoption par des familles hors de tout soupçon. Que l’autre mode de placement familial, à savoir à titre de pensionné individuel de l’Etat, est toujours dangeureux, facilement commercialisé, et incline à multiplier les pupilles de l’Etat.

Mgr Rodrigue Villeneuve (préface), dans Témoignages sur nos orphelinats, de Arthur Saint-Pierre, Fides, 1946, p.11

«Trop souvent, des enfants pour lesquels les parents payaient la pension et qui normalement n’avaient aucune raison de s’y trouver occupaient les places normalement dévolus aux orphelins. On les accepte parce qu’il n’y a pas d’école appropriée dans les environs sommes plus élevées que l’Etat, mais qui sont moindres, cependant, que celle exigées par des internats proprement dits».

Alice Poznanska, «La protection de l’enfance, un sujet interdit«, Cité libre, no 67, mai 1964, p.18. (L’auteure est mieux connue sous le nom d’Alice Parizeau.)

Alors que partout en Amérique on procède au démentèlement des vastes asiles d’aliénés, au Québec on entreprend un ambitieux programme de construction (…) entre 1944 et 1960 (…) C’est justement dans cette période (…) que le nombre de transferts d’enfants aux hôpitaux psychiatriques est le plus grand.

Micheline Dumont, historienne, Université de Sherbrooke, citée par Marie Riopel, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.19.

Je me souviens entre autres d’une petite fille bonne femme qui nous est arrivée à Saint-Jean-de-Dieu en provenance d’un crèche et qui avait un quotient intellectuel de 125. Mais il nous a fallu au moins six mois pour lui trouver une place dans un orphelinat normal. Les établissements étaient surpeuplés.

Soeur Gilberte Villeneuve, «Des soeurs se vident le coeur«, Actualité, juillet 1999, p.17.

4. L’éducation: une priorité pour la société

 

«A cette époque, l’éducation des enfants ne constituait pas une priorité pour la société.»Mgr Pierre Morissette, Les orphelins de Duplessis, texte de la déclaration officielle, Cap-de-la-Madeleine, 15 septembre 1999, p.4.

Par leurs études expérimentales auprès de primitifs, des anormaux et des malades, les sciences médicales et psycologiques ont remis en actualité la question de l’éducabilité.

J.-C. Miller et Alphonse Pelletier, «Un problème médico-pédagogique: l’éducabilité», Laval médical, Vol.3, no 7, septembre 1938, p.229

«En rapport avec ce projet, nous aimerions souligner qu’après une sérieuse analyse du rapport présenté par les autorités du Mont-Providence, nous avons constaté qu’une proportion assez considérable d’enfants appartiennent à une catégorie supérieure de décicients mentaux, et à cause de leur quotient d’intelligence devraient normalement tomber sous la tutelle de la Commission scolaire».

Lettre de Soeur Jeanne Leber, supérieurre, 4 novembre 1952

Cette question a d’ailleurs donné lieu à de nombreux débats depuis la fin du 19e siècle, car la hiérarchie catholique s’est toujours farouchement opposée à l’adoption d’une loi en ce sens. L’Eglise doit réviser ses positions lorsque le pape lui-même impose l’instruction obligatoire dans la Cité du Vatican en 1931. Il faudra, malgré cela, encore dix ans de débats, les enquêtes révélatrices du Département de l’Instruction publique et la détermination du gouvernement Godbout pour que l’instruction devienne obligatoire au Québec. (…) La loi de 1942, qui entre en vigueur en septembre 1943, impose, sous peine d’amende pour les parents, la fréquentation scolaire des enfants de 6 à 14 ans et abolit les frais de scolarité à l’école primaire publique. En 1944, la gratuité est étendue au cours primaire complémentaire en même temps qu’est établie celle des manuels scolaires.

Yves Vaillancourt, sociologue, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, Boréal, 1988, p.102

«Dans l’après-guerre, les questions d’éducation soulèvent un intérêt considérable. Y concourent la croissance démographique rapide et le retour de la prospérité qui encouragent l’investissement individuel et collectif dans la scolarisation, l’ouverture sur le monde et la volonté de rattrapage ou de modernisation.»

Linteau-Durocher-Robert-Ricard, historiens, Histoire du Québec contemporain, Boréal compact, 1989, p.338.

«Pierre Foucault, docteur en psychologie clinique, écrit que notre société ajoute «l’école» à l’hôpital» comme substitut, sinon comme palliatif à «l’absence, aux carences de leurs parents». Quelques décennies plus tard, tout en abrogeant les deux lois de 1869, la «Loi des écoles de protection», adoptée en 1951, maintiendra le modèle scolaire comme modèle d’organisation des services pour les enfants en difficulté.»

Pierre Foucault, «Héberger, corriger, réadapter…», P.R.I.S.M.E., vol 3, no 4, automne 1993, p.467.

«La Commission Garneau fonde un grand nombre de ses recommandations sur un document intitulé «Standards de Genève sur le placement des enfants» (SDN, 1924). Entre autres, elle tient à affirmer le principe qu’ «il ne suffit pas que l’enfant ait de quoi se nourrir, se vêtir et s’abriter. Il s’agit de développer un être qui sent, pense et agit». On retrouve là les éléments d’un nouveau discours sur l’enfance qui, comme on le sait, connaîtra un développement par la suite.»

René Joyal, sciences juridiques, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, p.185

5. Le dévouement des religieuses

 

«Si cette époque a connu son lot de misères et d’erreurs, elle se caractérise aussi de nombreux exemples de grand dévouement. Il nous faut mentionner ici les milliers de religieuses et de religieux qui oeuvraient dans ces orphelinats mais aussi dans des institutions spécialisées.»Lucien Bouchard, Premier ministre, Déclaration à l’Assemblée nationale, 4 mars 1999

«Il serait trop facile de crier «dévouement» ou «charité» et de passer outre. Quand on accepte une tâche de ce genre, le dévouement ne suffit pas; il faut aussi de la compétence. Quand à la charité, c’est précisément la vertu chrétienne la plus vigilente, celle qui, pour être authentique, doit s’adapter aux nécessités du temps et de refuser les compromis qui deviendraient des complicités.»

Georges Dufresne, Qui opprime les malades mentaux, Cité libre, no 40, octobre 1961, p.19.

Des religeux et des infirmières étaient généreux et compatissants, d’autres sadiques et cruels, s’abandonnaient à leurs penchants morbides. Soumis à des tâches dégradantes, parfois considérés comme des aliénés, plusieurs de ces enfants n’ont eu pour existence qu’un long martyre. »

Dion, Québec 1945-2000. Les intellectuels et le temps de Duplessis tome II, Les Presses de l’université Laval, Sainte-Foy, 1993, p. 107.

«Certaines religieuses ont raison d’être bouleversées et troublées comme elles le disent. Au regard de leur engagement personnel, certaines d’entre elles ne méritent pas l’opprobre public. On peut comprendre que les religieuses se défendent des accusations dont elles font, selon elles, injustement l’objet. Il est en effet regretable de laisser entendre que les religieuses soient les seules responsables des faits reprochés. Précisons que, plus souvent qu’autrement, les agresseurs étaient des individus qui faisaient partie du personnel laîque. C’est pourquoi les cas individuels d’agressions ne doivent pas servir exclusivement à faire le procès de ces religieuses.»

Bruno Roy, Mémoire d’asile, Boréal, 1994, p.177.

«Attention, pas de malentendu: la dramatique de Radio-Canada (Les Orphelins de Duplessis) n’instruit pas le procès des religieuses…»

Didier Fessou, «L’enfer est pavé de bonnes intentions«, Le Soleil, 12 mars 1997, p.C-4.

D’ailleurs, la série le montre bien, il y a des religieuses qui avaient tout à fait l’attitude qu’il fallait vis-à-vis des enfants.

Maisonneuve à l’écoute Gérard Pelletier commente la série «Les orphelins de Duplessis«, RDI, le 23 mars 1997

«Si les évêques étaient moins prudents et plus justes, après des excuses aux orphelins de Duplessis, ils auraient ajouté: aux soeurs aussi il faudrait présenter des excuses.»

Jean Larose, écrivain et professeur, Université de Montréal, «L’humanité de Duplessis«, Le Devoir, les 25 et 26 septembre 1999, p.A-13.

6. Main d’oeuvre à bon marché

 

«Ce travail sert de thérapie occupationnelle pour les enfants et semble d’abord organisé en vue de réduire les frais d’administration de la maison.»Le Conseil des Oeuvres de Montréal, La classification des enfants et l’organisation des classes au Mont-Providence. annexe au Rapport Bédard, 1960, p.42.

«Certaine école d’industrie, par exemple, située dans un petit village rural, confie directement certains de ses sujets à des cultivateurs sans que la Société de Protection de l’Enfance ait été avertie. Et cette institution ne dispose ni d’un service social adéquat pour conduire les enquêtes, ni de visiteurs attirés pour visiter l’enfant dans son foyer d’adoption. C’est la porte ouverte aux pires exploitations de la part des cultivateurs intéressés qui imposeront au garçonnet des tâches bien au-dessus de ses forces.»

Gérard Pelletier, «Histoire des enfants tristes«, Le Devoir, 27 juin 1950, p.4

«En effet, au temps de l’adolescence, alors qu’il faut les lancer dans la vie, ces êtres, que rien n’a préparé à vivre dans le monde, sont confiés bien souvent à des soi-disant nourriciers qui les maltraitent ou les exploitent. Cette enquête a révélé, par plusieurs cas incontestables, que ce système entretient dans notre société une chose dont le nom lui fait horreur: l’esclavage.»

Arthur Prévost, Toute la vérité sur la fille-mère et son enfant, Montréal, Editions Princeps, 1961, p.146.

«L’hospitalière poussait à la productivité. Sa thérapie tenait des travaux forcés; c’était d’autant plus patent que deux ou trois de ses meilleures ouvrières, dont Hélène Brazeau, étaient attachées à leur banc de travaille par la cheville.»

Jacques Ferron, médecin et écrivain, La conférence inachevée, VLB éditeur, 19 , p.40.

«A l’asile, on nous a fait la classe jusqu’en 4e année. Après, plus d’argent, on a retiré les enseignants. D’où les nombreux analphabètes. On nous a mis au travail du matin jusqu’au soir, sans un sous, ni amour ni affection. La plupart des religieuses étaient rigides et froides.»

Vincent de Villiers, directeur des Compagnons, Les enfants de Duplessis, Journal de Montréal, 19 mai 1989, p.12.

«A 16 ans, ils quittent les institutions pour se retrouver dans un monde dont ils ignorent tous les rouages. Ils n’ont aucune notion de l’argent et ne sont nullement préparés pour entrer sur le marché du travail mais la plupart (60%) iront travailler comme aide-fermier sur une terre de cultivateur.»

Soeur Gisèle Fortier, porte-parole des communauté.s religieuses, Le profil de l’orphelin, dossier de presse, le 30 novembre 1992

Et que faire des enfants non adoptés qui avaient atteint l’âge de sept ou huit ans?  La plupart étaient remis aux hôpitaux généraux, ou psychiatriques où les autorités les obligeaient à travailler. »

Léon Dion, Québec 1945-2000. Les intellectuels et le temps de Duplessis, tome 11, Les Presses de L’université Laval, Sainte-Foy, 1993, p. 107.

7. Un milieu systémique de discrimination

 

«Les gens ne se reconnaissent pas du tout avec le portrait qui est donné, avec ce milieu-là, un milieu systémique de violence, un milieu d’abus sexuels.»Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999.Les enfants qui nous étaient référés ou les personnes qui nous étaient référées étaient toujours sur ordonnance médicale.Soeur Gisèle Fortier, Bonjour Grand reportage, CJFP (RM), Rivière-du-Loup, 3 mai 1999.

«Et nous croyons raisonnable de conclure que la plupart des retardés, qui forment la majorité de nos illégitimes non adoptés ne le sont pas de naissance mais le deviennent à cause du système. En d’autres mots, si dure que cela puisse paraître cette affirmation, nos crèches fabriquent des retardés mentaux que nous ne parvenons pas ensuite à rééduquer.»

Gérard Pelletier, «Histoire des enfants tristes«, Le Devoir, 23 juin 1950, p.4.

«Enfin, plus tard, un quatrième juge décida de fermer le dossier. En toute légalité, je n’en doute pas, mais les avocats que j’ai consultés à ce sujet ne comprennent guère comment on peut fermer le dossier d’un prévenu sans l’avoir entendu, sans l’avoir jugé. L’explication possible, c’est que le médecin-chef de Bordeaux avait alors décrété que Pierre Dupont était bel et bien un aliéné. Mais comment arriver à pareil conclusion sans avoir soumis le jeune homme à des examens psychiatriques sérieux… (…) En 1955, le médecin-chef de la prison de Bordeaux avait décidé que Pierre Dupont était sain d’esprit. Le diagnostic de cet homme tout puissant rendait possible la tenue d’un procès: «A l’examen, (il) présente ni délire, ni psychose en évolution. Il est bien orienté dans le temps et l’espace. Son comportement à la prison n’offre rien d’anormal. Son niveau intellectuel est quelque peu inférieur à la moyenne, mais pas au moint de l’empêcher de distinguer le bien du mal. Je n’ai donc pas les éléments qu’il me faut pour considérer (Pierre Dupont) comme un malade mental». (…) Deux ans plus tard, soit le 4 avril 1957, le même médecin-chef rend un diagnostic absolument contraire: «A l’examen, (Pierre Dupont) se présente comme un arriéré mental dont le quotient intelectuel est considérablement inférieur à la moyenne. Sur fond de débilité intellectuelle, sont venus se greffer progressivement des troubles sérieux de caractère et du comportement. (…) A mon avis, (Pierre Dupont) est un malade mental et un être dangereux. Je recommande l’admission à l’Hôpital de Bordeaux, pour fins de traitement». Or, détenir un individu qui n’a pas comparu devant un tribunal sans fournir immédiatement une preuve de son aliénation mentale, c’est non seulement une illégalité mais un grave déni de justice».

Jacques Hébert, Scandale à Bordeaux, Les éditions de l’Homme, 1959, pp.113-117 et 124.

«C’est le médecin qui, théoriquement, se situe en haut de la hiérarchie, mais son influence se fait bien peut sentir dans la salle. En pratique, c’est la religieuse hospitalière qui constitue la figure d’autorité, établit les règles… (p.10)

Si un malade s’agite et trouble l’ordre, c’est la plupart du temps l’officière qui de jour ou de nuit donne le médicament qui lui paraît approprié, qui donne l’ordre de placer le malade en cellule ou d’employer la contrainte ou de le transférer dans une autre salle, quitte à faire signer le médecin à sa prochaine visite. C’est elle qui possède la clé du tiroir des dossiers. (p.12)

Les inconvénients que nous venons de signaler ne se produiraient pas si le médecin exerçait effectivement et pleinement son autorité… (p.21)

Sur plusieurs départements, l’infirmière psychiatrique laïque se trouve donc sous la direction d’une religieuse sans formation.»

Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, p.41.

«L’étude de quelques dossiers, pris au hasard dans chacun des départements a démontré clairement que l’évaluation de la déficience mentale du jeune malade laisse grandement à désirer avant et après son admission à l’hôpital. Il ne fait pas de doute que sans le bénifice d’un diagnostic posé par un psychiatre pour enfants et sans les examens psychologiques, l’hôpital est susceptible de considérer comme débiles non-éducables des enfants qui ne le sont pas.»

Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, p.105.

«Avec quatre lits psychiatriques par 1,000 habitants, (les hôpitaux compris dans notre étude comptent plus de 20,000 lits), la Province de Québec ne manque donc pas de lits: à la condition cependant que l’on sorte des hôpitaux ceux qui occupent sans raison valable, ces nombreux lits. (…) La Commission est convaincue que des centaines de malades continuent d’habiter nos hôpitaux mentaux, alors que leur état mental ne requiert pas l’hospitalisation.»

Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, pp.131-132.

LE MONT-PROVIDENCE. – «Le Ministère provincial de la Santé, à cause de l’interprétation du Gouvernement fédéral, exprime donc l’opinion, le 17 août 1953, qu’il est impossible de maintenir cette oeuvre sous forme actuelle, parce que le Gouvernement fédéral menace de retirer sa contribution. Pour se plier aux exigences de la Constitution canadienne, on suggère donc de prendre les mesures nécessaires pour que l’immeuble puisse servir à l’hospitalisation des non-éducables (pp.8-9).»

«Au point de vue légal, les enfants du Mont-Providence sont des internés, en vertu de la Loi d’internement. On s’autorise de cette loi pour prohiber les sorties des enfants en groupe et les sorties des enfants sans famille. Cette loi et son application stricte rendent pratiquement impossible toute collaboration avec les agences sociales de placement ou de réhabilitation. Son interprétation est aussi source de graves injustices dans un certains nombre de cas (pp.8-9).»

«A la fin de l’année scolaire 1953-54, les enfants qui ont une famille vont passer leurs vacances chez eux. Au cours de l’été 1954, les parents furent avertis de ne pas retourner leur enfant au Mont-Providence, étant donné les nouveaux règlements. Quant aux enfants illégitimes, ils devinrent des internés. Environ 370 enfants, tous déficients mentaux éducables, se trouvèrent dans cette situation (p.11).»

Annexe au Mémoire sur la classification des enfants et l’organisation des classes au Mont-Providence, janvier 1962, p.11.

«D’immenses écoles ou garderies «deviennent des succursales et des entrepôts où Saint-Jean-de-Dieu et Saint Michel Archange peuvent maintenant y déverser à volonté le trop-plein de leur clientèle.»

Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, p.129.

«En 1954, l’annexion du Mont-Providence à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu permet d’y transférer 400 enfants de moins de 14 ans jugés éducables. En cette même année, on y effectue 21 lobotomies, 12 castrations et 11 hystéroctomies, de même que plusieurs centaines d’électrochocs.»

Bernard Courteau, De Saint-Jean-de-Dieu à Louis-H.-Lafontaine, Montréal, Editions Méridien, 1989, p.115.

«L’hôpital psychiatrique devient ainsi la seule destination au sortir de l’orphelinat, le diagnostic était davantage un bordereau de transfert qu’une véritable analyse du comportement.»

Micheline Dumont, historienne, Université de Sherbrooke, «Des religieuses, des murs et des enfants» L’Action nationale, avril 1994.

«Les médecins qui ont jadis posé des diagnostics de complaisance ont violé l’éthique médicale. Sur ce point, le Collège des médecins du Québec pourrait présenter ses excuses aux orphelins de Duplessis. (…) Non, mais il ne s’agit pas d’intenter le procès de toute la médecine. Seuls quelques médecins et, parmi eux, des psychiatres, ont mis leur expertise à la disposition des pouvoirs de l’époque, l’Etat et les communautés religieuses, afin de recevoir, pour les gens dont ils avaient la charge, des subventions du gouvernement fédéral. Ces médecins, aujourd’hui, morts ou âgés, se sont prêtés à de faux diagnostics. Une pratique inacceptable, même d’après les normes de l’époque. Il n’y a aucune excuse.»

Dr Frederic Grunberg, «Le collège des médecins devrait présenter ses excuses» L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.3.

8. Un négociateur puissant: le cardinal Léger

 

«J’ai de la difficulté à croire que l’Eglise d’aujourd’hui <<couche avec le pouvoir>> comme l’on supposément fait certains de nos prédécesseurs.»Les grandes entrevues de Pierre Maisonneuve, Jean-Claude Turcotte, l’homme derrière le cardinal, Novalis, 1998, p.122.

«Dans sa lettre du 28 juillet 1953, le docteur Jackson a informé la province qu’il fallait s’attendre à une réduction du montant de notre contribution à ce projet au cours des trois ou quatre prochaines années. Lors d’une conversation avec le docteur Grégoire au cours de ma récente visite à Québec, on m’a dit que le ministre provincial de la Santé avait envoyé une note très ferme aux autorités de cette cette institution pour qu’elles admettent des enfants non éducables et des idiots. De plus, le ministre a affirmé que sa suggestion devrait être mise en vigueur d’ici un an.

O. Leroux, m.d., MÉMO pour le dossier du Mont-Providence, 2 septembre 1953.

Quand les Autorités du Mont-Providence rencontrent des problèmes difficiles, elles s’empressent de recourir à leur ami et protecteur de Québec.

Lettre de Soeur Jeanne Leber, supérieurre , le 4 novembre 1952.

«Nous vous sommes très reconnaissantes, Eminence, de la part active que vous avez apportée à l’obtention précieuse qui assurera la survie de notre oeuvre de la Rivière-des-Prairies».

Lettre de l’Assistante générale au Cardinal Léger, 24 mai 1954, Archives des Soeurs de la Providence

«Il est évident que son Eminence est convaincue que le gouvernement provincial ne nous aidera pas; avouons que seules nous ne pouvons maintenir une oeuvre qui menace d’ébranler nos finances et le crédit de la Communauté».

Lettre de la Supérieure générale à l’Assistance générale, 9 février 1954, Archives des Soeurs de la Providence

«Le Cardinal insiste pour que les religieuses ajoutent «une autre oeuvre à celle des arriérés mentaux…». «Si vous aviez là des idiots (sic), dit-il, vous auriez la sympathie des autorités gouvernementales qui viennent de voter huit millions pour les aliénés… (…) Québec versera à la congrégation les trois millions promis, mais, pour chacun des trois versements, le cardinal Léger doit intervenir, le gouvernement ne consentant à l’expédier qu’après en avoir été prié par lui.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté au Québec, 1940-1960, Montréal, Bellarmin, 1996, pp.351 et 366.

9. Détournement de subventions

 

«Or, le fédéral ne s’était pas rendu compte que ce serait un établissement d’enseignement, relevant du département de l’Institution publique – donc de juridiction provinciale.» (…) Nous avons toutefois fini par céder, car nous n’avions plus la capacité financière pour continuer d’administrer l’établissement. Mais nous étions tellement opposés à ce changement que, après la transformation du Mont-Providence en hôpital annexe de Saint-Jean-de-Dieu, nous avons poursuivi l’enseignement en cachette.- Vous fraudiez le gouvernement fédéral!- Oui. Absolument».Soeur Gilberte Villeneuve, «Des soeurs se vident le coeur«, Actualité, juillet 1999, p.17.»De fait, le gouvernement provincial, s’il voulait agrandir des hôpitaux psychiatriques, devait compter sur le gouvernement fédéral pour des subventions.»Soeur Gisèle Fortier, Bonjour Grand reportage, CJFP (RM), Rivière-du-Loup, 3 mai 1999.

«Le Service des allocations, et c’est là une politique bien consciente, s’oppose absolument à ce que les allocations soient versées en bloc à l’administration générale d’une institution d’enfance et perdues dans les frais généraux de la maison».

Gérard Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, 30 juin 1950, p.4.

«Pour contenir l’élargissement de l’intervention étatique dans le champ de la santé et du bien-être, l’Eglise se devait de réorganiser et d’améliorer son propre système, de façon à rendre certaines de ses composantes davantage éligibles aux subventions de l’Etat provincial, qui devenaient attrayantes au moment où les coûts de fonctionnement des institutions d’assistance augmentaient et où les sources de la charité privée commençaient à tarir. (…) Il s’en suit que, quand le gouvernement provincial remet aux Soeurs de la Providence la subvention pour construction d’hôpital accordée par le fédéral, il sait fort bien qu’il «détourne» cet octroi de sa fin officielle.»

Yves Vaillancourt, sociologue, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, 1988 p.230 et 321.

«En 1950, l’Ecole Emilie-Tavernier et ce qui demeure de l’Institut Médico-pédagogique, sont transférés à Mont-Providence confirmant ainsi sa vocation envers la déficience.»

Bernard Courteau, écrivain, De Saint-Jean-de-Dieu à Louis-H.-Lafontaine, Montréal, Editions Méridien, 1989, p.108.

«D’autre part, l’attitude du cardinal Léger laisse entendre qu’il ne conteste pas l’usage que le gouvernement entend faire de ses ressources: lui non plus n’est pas prêt à se battre pour l’éducation d’enfants en difficulté».

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté au Québec, 1940-1960, Montréal, Bellarmin, 1996, p.354

  •     – Le journaliste Dussault – «Est-ce que les analyses de messieurs Poirrier     et Lauzon à l’Université du Québec… êtes-vous     d’accord que c’était plus payant d’avoir un hôpital psychiatrique     que d’avoir une école?»
  •     – Soeur Levac – «Dans les deux cas, nous étions en déficit.»
  •     – Le journaliste Dussault – «Mais, moins en déficit que si c’était     resté une école?»
  •     – Soeur Levac – «Et… peut-être, peut-être moins en déficit,     parce que on avait… on a eu moins de… moins dépense. Eh… on     n’avait pas à payer les professeurs.»

Soeur Marie-Paule Levac, Le Midi 15, SRC Radio, 28 avril 1999.

«Le gouvernement fédéral s’en lave les mains à tort. Comment se fait-il qu’il n’ait pas questionné le fait qu’au Québec on se retrouve avec une telle recrudescence d’enfants idiots? (…) Maurice Duplessis a fait une lutte de pouvoir contre le fédéral sur le dos des enfants illégitimes.»

Pauline Gill, écrivaine, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.

«A la construction de l’école, Ottawa a donné des sommes d’argent dans le cadre d’un programme d’aide aux hôpitaux. Les sommes transitaient par le ministère québécois de la Santé et étaient remises aux religieuses. Lorsqu’il découvre en 1953, que les sommes avaient été versées à une école, le fédéral exige le remboursement de ces argents au gouvernement québécois.»

Marie Riopel, «Le passé plus qu’imparfait«, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.

… que l’oeuvre changeait, que ça devenait un hôpital. Elle avait pris soin de dire, par exemple, il y a toute sorte de thérapie, dorénavant, je vais appeller ça de la thérapie, vous continuerez à enseigner comme vous le faites. Alors ce sera une thérapie plutôt que de l’enseignement mais en réalité on enseignait, dans le fond, clandestinement. Ça nous était défendu.

Soeur Ursule Cantin, Adieu, mes soeurs, Denise Bombardier, SRC.

 

 


 

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10. La charité… mystification capitaliste

 

«Dans toute cette affaire, ces enfants n’étaient pas rentables. Alors certainement que cet aspect-là a joué.»Soeur Gilberte Villeneuve, citée par Guylaine Bussière, Le Grand Journal, TQS, reportages présentés du 7 au 9 juillet 1993

«Le Service des allocations, et c’est là une politique bien consciente, s’oppose absolument à ce que les allocations soient versées en bloc à l’administration générale d’une institution d’enfance et perdues dans les frais généraux de la maison.»

Gérard Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, 30 juin 1950, p.4

«J’ai pu étudier la possibilité de venir en aide à l’Institut médico-pédagogique, en vertu de la Subvention à l’hygiène mentale. Les renseignements dont je dispose me donnent une bonne idée du travail accompli par cet établissement et je vous demanderais de transmettre aux Révérendes Soeurs de la Providence l’expression de mon admiration pour le travail qu’elles exécutent. Cet établissement pour les enfants atteints d’une légère débilité mentale semble certainement être très bien dirigé. A cause précisément de la débilité mentale comparativement légère de ces enfants, il semble que le programme appuie principalement sur l’éducation. On porte souvent à mon attention des situations semblables comportant d’excellents programmes qui mettent en cause des questions de santé mais où l’éducation, le bien-être et autres aspects sont d’égale ou de plus grande importance. […] De la même façon, je ne crois pas que notre caisse soit assez bien fournie ni que nous puissions accepter la responsabilité de l’entretien et de la direction des services d’éducation et de bien-être. Par conséquent, j’en ai conclu que l’Institut médico-pédagogique doit être aidé à même la subvention à l’hygiène seulement lorsque les services de santé aux enfants sont directement en cause. Cela signifie naturellement que la présentation officielle de 1954-1955 du projet en faveur de l’Institut recevra peut-être de l’assistance dans des proportions plus faibles qu’il ne le fait présentement. Je veux vous assurer de mon intérêt constant et je regrette qu’avec les renseignements dont je dispose, je ne puisse être plus utile à cet établissement.»

Lettre de Paul Martin à son Eminence le Cardinal Paul-Emile Léger, 26 novembre 1953.

«L’auteur garde l’impression à la fin de ces visites qu’il y aurait de sérieux avantages à séparer non pas effectivement, mais financièrement le département des adoptions, du département de l’Assistance Publique. Si les revenus des adoptions n’avaient pas à combler les déficits de l’autre département, ce service des adoptions pourrait élever ses standards et procéder, comme le disait le rapport ci-haut mentionné, plus judicieusement au placement de nos enfants.»

Albini Girouard, ptre, Nos services sociaux diocésains. Une étude sur les sources de revenus de huit Services sociaux diocésains, Université de Montréal, Faculté des Sciences Sociales Economiques et Politiques, Maîtrise, avril 1954, p.53

«Quant aux sommes distribuées par l’Etat, elle deviennent la propriété de l’administration qui en dispose à sa guise. Le surintendant médical n’a pas le droit de regard sur le budget. On peut ne pas le consulter sur la détermination des crédit affectés à l’organisation des soins…. (…) Mais la logique du système veut que ce soit l’optique de l’officière qui l’emporte.»

Camille Laurin, posface, Les fous crient au secours! Les Editions du Jour, 1959, pp.152-153.

«Tant que les bonnes dames à mantilles distribuaient la charité de leurs mains gantées de dentelle noire, tant que les bonnes soeurs vivaient de la charité et de l’absence d’impôt sur les successions, il était inélégant de poser des questions précises.»

Alice Poznanska (Parizeau), «La protection de l’enfance: un sujet interdit«, Cité libre, mai 64, p.21.

«Ce qu’il y a de plus horrible au monde, c’est la charité séparée de la justice. Justement parce que notre charité n’est trop souvent, rien d’autre qu’une manière bondieusarde de camoufler nos injustices.» (…) Notre charité a pour but de maintenir notre sacro-saint régime d’entreprise privée.»

Jean-Claude Paquet, «La charité… mystification capitaliste«, Cité libre, mars 1964, no 65, p.9

«La guérison, commente Françoise Boudreau, était un luxe que les soeurs ne pouvaient se payer.»

Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale, Editions Saint-Martin, 1984, p.52

«Elle contrôle leurs économies, elle leur vend même des vêtements au prix du gros. A sa majorité, soit à vingt et un ans, quand l’orphelin veut retirer le fruit de ces années de pénible labeur, il ne lui reste rien. Tout a été supposément dépensé en vêtements.»

Reine Landry, Le cri de l’adopté, Stanké, 1985, p.57.

«En effet, l’Eglise et les communautés religieuses, avec leurs terrains, leurs bâtises et leurs capitaux qui circulaient sous formes d’actions et d’obligations dans les entreprises et les institutions québécoises se trouvaient, objectivement, à être partie prenante du capital québécois. […] L’alliance privilégiée entre les élites petites-bourgoises traditionnelles et le capital québécois se trouvait de plus alimentée par la capacité propre à la direction de l’Eglise et des communautés religieuses, pendant ces années, d’offrir des contrats et de faire des commandes aux capitalistes québécois (constructions d’églises, de lieux de pelérinage, de bâtisses religieuses, d’hôpitaux, de foyers d’accueil, etc., placements de capitaux sous formes d’obligations et d’actions; achats de nourriture, de mobilier, d’équipement, de combustible, etc.)».

Yves Vaillancourt, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, 1988, p.66.

«Pour contenir l’élargissement de l’intervention de étatique dans le champ de la santé et du bien-être, l’Eglise se devait de réorganiser et d’améliorer son propre système, de façon à rendre certaines de ses composantes davantage éligibles aux subventions de l’Etat provincial, qui devenaient attrayantes au moment où les coûts de fonctionnement des institutions d’assistance augmentaient et où les sources de la charité privée commençaient à tarir.»

Yves Vaillancourt, UQAM, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, 1988, p.230

«Pour rembourser sa pension et les frais médicaux, après les deux semaines de récupération qui suivront l’accouchement, la mère donnera six mois de service à l’hôpital. […] La mort du bébé à la naissance ou plus tard ne changeait en rien ces conditions si ce n’est l’addition d’une charge de sépulture de 25 $. (…) Quand le père d’une jeune femme de 18 ans poursuivit avec succès le père du bébé, l’hôpital perçut les 300 $ mais la famille ne fut jamais remboursée pour le travail de la pensionnaire.: 126.50 pour sa pension avant l’accouchement, 50 $ pour l’abandon de l’enfant et 44 $ pour les frais médicaux.»

André Lévesque, historienne, La norme et les déviantes, les éditions du remue-ménage, 1989, pp. 127 et 131

«D’abord les organismes de charité privés sont débordés et leur gestion fait frémir d’horreur les vérificateurs gouvernementaux, tandis que les marchands, de leur côté, se plaignent de la lenteur avec laquelle les bons sont remboursés. Ensuite, ces organismes demeurent religieux et distribuent les secours directs comme la <<charité, en suivant leurs règlements et leurs méthodes>>. Cela ouvre la porte à beaucoup d’arbitraire.»

Linteau-Durocher-Robert-Ricard, historiens, Histoire du Québec contemporain (Le Québec depuis 1930), Boréal compact, tome 2, 1989, pp.86-87.

«Nous avons appris que le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social que votre hôpital a été reconnu par ce ministère comme hôpital public aux fins d’exemptions de la taxe de vente.»

Le sous-ministre du Revenu national, cité par le groupe de Marie-Paule Malouin dans L’univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.320.

«En effet, depuis 1945, le gouvernement provincial accorde aux Soeurs de la Providence 3 sous (6 à partir de 1946) par jour, pour chacun des malades hospitalisés à Saint-Jean-de-Dieu, dans le but d’aider les religieuses à construire un institut médico-pédagogique. Le contrat signé par la congrégation et le gouvernement, au sujet de Saint-Jean-de-Dieu, stipule que l’institution prévue (le Mont-Providence) a une capacité de 500 lits. Cependant, le gouvernement s’engage à hausser le per diem «spécial» de 3 sous à 6 sous dès que les Soeurs pourront porter à 1000 lits la capacité du nouvel institut médico-pédagogique.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin dans L’univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.320.

11. Gestes et actes illégaux

 

«Il faut reconnaître qu’il y a plus de 30 ans, dans quelques institutions et en certaines occasions, des enfants placés ou abandonnés par leurs familles et connus comme les orphelins de Duplessis ont été victimes de situations et d’attitudes anadmissibles.»

Lucien Bouchard, Premier ministre, Déclaration à l’Assemblée nationale, 4 mars 1999

 

«Et le bureau de Montréal, dans un cas précis, a placé douze enfants parfaitement normaux dans une des rares maisons de la province spécialisées pour les débiles.

Gérard Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, juin 1950, p.4

«Dans la plupart des pays civilisés, où il existe une loi de protection de l’enfance, l’appel à la police, en de telles circonstances, l’internement de l’enfant dans une institution pour anormaux, sans examen préalable, serait jugés illégaux et condamnables».

Clinique de l’Ecole des parents du Québec, Le Devoir, 2 février 1951

«Ajoutons à cela que les dossiers des divers organismes contiennent des documents ultra-secrets que le public aurait intérêt à connaître. On y trouve, entre autres, des renseignements sur des morts mystérieuses d’enfants maltraités par des éducateurs et des gardiens trop sévères, sur des traces de coups et des blessures que purent voir des enquêteurs trop curieux, et d’autres vérités du même genre. Bien entendu les enquêteurs en question se taisent parce qu’ils sont liés par le secret professionnel et parce qu’ils ne tiennent pas du tout à perdre leur place».

Alice Poznanska (Parizeau), «La protection de l’enfance: un sujet interdit«, Cité libre, mai 1964, p.19-29

«Alice n’a pas exagéré et je me rappelle que, durant ma première année, j’ai été complètement révoltée de voir comment on traitait non seulement les malades, mais des enfants sains d’esprit qui auraient pu avoir une vie normale si on leur en avait laissé la chance (…) Imaginez ce que moi qui voulais aimer et aider, j’ai pu ressentir lorsque je me suis retrouvée dans cet enfer. C’était dur, très dur, de voir ces jeunes se faire maltraiter. Je ne voulais pas rester à cet endroit; j’ai demandé à voire la mère supérieure et je lui ai parlé de tout ce que je voyais. Et savez-vous, elle n’a pas eu l’air surprise lorsque je lui ai raconté tout ça.»

Georgette Hayfield, Une ancienne religieuse pleure en se souvenant des orphelins, La Presse, 1er mars 1999.

«Ces faux diagnostics ont causé bien des préjudices, car un diagnostic psychiatrique stigmatise celui qui le porte. (…) Si cela avait lieu maintenant, ces médecins seraient déférés au conseil de discipline du Collège».

Dr Frederic Grunberg, Le collège des médecins devrait présenter ses excuses L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.3

«En 1964, Alice Poznanza (dame Parizeau) abordait la question des mortalités douteuses dans les crèches et les orphelinats», souligne Bruno Roy. «Beaucoup d’orphelins alléguaient qu’on avait tué des enfants mais on ne les écoutait pas. C’est ce que j’appelle une opposition entre l’histoire savante et l’histoire vécue.» Les statistiques de la Ville de Montréal lui donnent raison. En 1941, le taux de mortalité des enffants illégitimes, dont la grande majorité naissent à Miséricorde, était de 329 pour mille contre 54.2 pour mille pour les enfants légitimes. Six fois le nombre…»

Marie Riopel, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.

«La dimension juridique d’abord. (…) Dans le cas des enfants de Duplessis, il y eut bel et bien violation des droits existants durant les années 1940 et 1950. A l’époque, les enfants dits normaux avaient effectivement le droit d’être inscrits dans des filières éducatives dites normales. Cet aspect juridique constitue en quelque sorte le premier socle de la question. Nous ne sommes pas face à une demande dont la satisfaction risquerait d’ouvrir une boîte de Pandore d’où surgirait, devant le Tribunal de l’histoire, l’exigence de réparations de tous les torts inimaginables. (…) Il importe en effet de reconnaître que nous sommes face à une violation de droits qui n’était aveugle d’aucune manière. Tout au contraire la dérogation dont on parle a visé objectivement, sciemment et résolument une population cible: celle des orphelins. Il s’agit d’un des cas les plus clairs de discrimination systémique qu’il soit possible de penser.Une violation systémique des droits a été rendue possible ou du moins facilitée par le fait que l’on faisait face à des laissés pour compte de la famille. (…) La violation des droits dont nous parlons s’analyse historiquement comme un abus de pouvoir qui a visé une population cible.»

Gilles Bourque, sociologue, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, pp.180-181.

12. Les autorités savaient…

 

«Etiez-vous au courant de ces faux diagnostics? a demandé le journaliste. <<j’étais pas là, je ne peux pas répondre à cela>>, a enchaîné Mgr Morissette

Mgr Morissette cité par Louise Leduc, Ni excuses, ni compensations, Le Devoir, 16 septembre 1999, p.A-1.

 

«La promiscuité d’arriérés mentaux et d’enfants normaux dans un très grand nombre d’institutions crée une situation fort inquiétante et pose des problèmes dont la solution n’est pas de la compétence de leur personnel.»

Commission d’assurance-maladie du Québec, Premier rapport sur le problème des garderies et de la protection de l’enfance, (Rapport Garneau), Québec, 1944, p.14.

«[…] Les maladies intellectuelles sont aussi répandues que les autres à la Crèche S.-Paul. Nous avons 100 idiots vivant en compagnie de 175 enfants théoriquement normaux.»

Dr P. Dagenais-Pérusse, «Situation révoltante à la Crèche S.-Paul«, Le Devoir, 1950.

«[…] En rapport avec ce projet, nous aimerions souligner qu’après une sérieuse analyse du rapport présenté par les autorités du Mont-Providence, nous avons constaté qu’une proportion assez considérable d’enfants appartiennent à une catégorie supérieure de décicients mentaux, et à cause de leur quotient d’intelligence devraient normalement tomber sous la tutelle de la Commission scolaire. Comme vous le savez déjà sans doute, notre ministère accepte en principe et pratique la nécessité de confier les groupes inférieurs de déficients à la charge des organismes qui s’occuppent de la santé même. Toutefois, pour ce qui est de Mont-Providence, malgré l’admiration que nous éprouvons pour le travail accompli par les autorités religieuses et laïques, nous nous demandons si l’absence des services d’un psychiâtre et le quotient intellectuel d’un nombre d’enfants permettent de justifier le montant de l’octroi déjà approuvé et les demandes futures de subvention.»

Lettre de O. Leroux, M.D., 1er avril 1953

«L’expression «malades» signifie les personnes atteintes de psychopaties, de l’un ou l’autre sexe, confiées aux Soeurs par le Gouvernement.!»

Arrêté en conseil, Chambre du conseil exécutif, no 1082, Québec, 3 novembre 1954.

«Jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans – et l’auteur de ces lignes en a été témoin – ces enfants n’ont pas encore appris à parler comme les autres, pour la raison qu’aucun adulte n’a pu converser avec eux régulièrement. Il en est parmi eux qui ne peuvent alors que pousser des cris d’animaux. Tous ou presque tous, sont devenus des arriérés mentaux, qui ne pourront jamais reprendre le temps perdu. C’est le massacre des innocents.»

Arthur Prévost, Toute la vérité sur la fille-mère et son enfant, Editions Princeps, 1961, p.146.

«Tous l’admettent, les déficients mentaux entraînables présentent des problèmes et des besoins très différents de ceux rencontrés avec les véritables malades mentaux. (…) L’intérnat coûte plus cher que l’externat, tous en conviennent. Si l’on peut obtenir, sans concession de principes, un même résultat pour la formation de l’enfant, il serait illogique de ne pas préférer la solution la plus économique . (…) Nous pouvons affirmer que dans l’état actuel de la question, les services complets de diagnostics auprès des enfants déficients mentaux entraînables sont ou inexistants ou inadéquats.»

Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961, pp.7, 12 et 13.

«Officiellement, le responsable des admissions est le surintendant médical de Saint-Jean-de-Dieu, mais en pratique… (les) enfants sont admis à la suite de diverses pressions politiques auprès des religieuses ou sur la recommandation de la supérieure ou pour une série de motifs très variés. (…) L’enquête dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions continuent de se faire sans beaucoup de discernement. (…) Des enfants éducables continuent d’être admis au Mont-Providence après 1954.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.

«En 1950, je déplorais, comme chrétien, l’espèce de connivence passive de la quasi totalité de la presse et de la majorité de la population, connivence qui permettait au gouvernement Duplessis de laisser croupir des milliers d’enfants et de laisser s’étioler des milliers de jeunes vies. Nous devons tous, c’est exact, accepter notre part de responsabilité dans cette affreuse situation. Tous, sauf les communautés religieuses en contact quotidien avec cette misère? Tous, sauf les autorités écclésiastiques qui détenaient alors le pouvoir de faire bouger l’autorité civile et qui ont refusé d’utiliser à cette fin l’énorme influence qui était la leur?»

Gérard Pelletier, Je n’ai pas signé, Monseigneur, Cité Libre, avril-mai 1993, p.17.

«La société québécoise est-elle restée muette devant la situation des enfants dits «illégitimes»? Que non! Bruno Roy a raison: cette question a été débattue de nombreuses fois durant les années 1940, 1950 et 1960.»

Micheline Dumont, historienne, Université de Sherbrooke, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, pp.176-177

L’oeuvre changeait. Ça devenait un hôpital, mais elle (la supérieure) a pris soin de nous dire, par exemple, il y a toutes sortes de thérapies, alors, dorénavant, on va appeler ça de la thérapie, à enseigner comme vous le faites, ce sera une thérapie plutôt que de l’enseignement. En réalité, on enseignait clandestinement. Ça nous était défendues.

Soeur Ursule Cantin, Adieu, mes soeurs, Denise Bombardier, SRC, 19 novembre 1999.

– Soeur Lise Pleau : Leur vie changeait complètement parce qulls étaient comme internés. Alors, il y avait beaucoup de restrictions, toutes les sorties qu’on faisait, les sorties éducatives étaient finies. C’était fini, il n’y avait plus rien. C’était triste, dans le fond, de savoir ça. C’était quelque chose qu’on n’acceptait pas. On n’acceptait pas ça. Mais comme on nous avait dit aucun commentaire, c’était le silence. On ne pouvait pas parler. – Denise Bombardier : Mais vous, est-ce que vous vous êtes senties complices d’un système et d’une situation qui n’était pas admissible sur le plan moral ou si vous étiez dans le voeu d’obéïssance tel qu’il se pratiquait dans les communautés dans les années ’50. – Soeur Lise Pleau : On n’acceptait pas ça. Entre nous, on en parlait, on trouvait ça d’une grande tristesse pour le genre d’enfants parce que quand l’oeuvre a changé, on a continué l’école avec beaucoup d’enfants.

Soeur Lise Pleau, Adieu, mes soeurs, Denise Bombardier, SRC, 19 novembre 1999.

– Jacques Lacoursière : Il doit y avoir de vos anciennes de l’Ecole de Service social qui ont dû se retrouver dans des maisons où les religieuses gardaient des enfants de la crèche, les fameux orphelins de Duplessis. – Georges-Henri Lévesque: Oui, oui. – Etiez-vous au courant de ça, vous? – Ah! oui, oui. On était au courant. Ensuite, nois diplômés essayaient d’influence les religieuses, là. – Mais… – Ils allaient donner des conférences… – Donc, dans les années 1940, vous saviez fort bien qu’il y avait des enfants normaux qui se trouvaient avec des enfants anormaux pour que le gouvernement ait plus d’argent du fédéral? – Ah! oui, oui.

Le père Georges-Henri Lévesque, Artisans de notre histoire, Canal Historia, 2 février 2000 (Entrevue avec l’historien Jacques Lacoursière).

13. Quelle «solution» a constitué le centre Doréa?

 

«Je peux vous dire qu’il y a eu un effort concerté fait au Mont-Providence, plus particulièrement après le changement de vocation, par les religieuses, en lien avec le cardinal Léger, Albini Girouard pour que les enfants aillent au centre Doréa. Beaucoup, il y en a eu près d’une centaine qui ont été envoyés à Doréa (…) La solution qu’elles ont trouvé ça été de sortir les enfants éducables en les envoyant le plus possible ailleurs pour qu’ils aient une éducation.»

Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999.

 

«Or, une enquête sur le Mont-Providence précise que seulement cent trente et un enfants du Mont-Providence sont transférés en divers endroits par les deux aumôniers de l’institution et cela, non pas en 1954, mais entre 1954 et 1961. (…) Toutefois, des cents cinquante enfants de Montréal que Doréa reçoit, seulement vingt-neuf viennent du Mont-Providence. Cela signifie que Doréa accueille des enfants provenant d’ailleurs. (…) Ainsi, contrairement à ce qu’on peut croire en lisant Pierre Foucault, Doréa n’a pas constitué une solution efficace aux problèmes des enfants éducables.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.368.

«L’enquête, dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions «continuent de se faire sans beaucoup de discernement.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.

14. Les chicanes fédérales/provinciales: soumission forcée ou complicité?

 

«Pour se sortir du pétrin, les soeurs ont accepté, sous les conseils du cardinal Léger, de dire qu’il s’agissait d’un hôpital. Ce transfert est une erreur. Le cardinal Léger a été mêlé à ça. Il a eu des pressions du gouvernement et il a convaincu les soeurs de régler.»Cardinal Jean-Claude Turcotte, Mgr Turcotte défend les soeurs, La Presse, 20 février 1999, p.A-6″On les a forcées. C’était le ministre Paquette, à l’époque, qui a pris la décision contre l’avis des religieuses. A ce moment-là, il s’en allait vers la faillite».

Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999

 

«Nous vous sommes très reconnaissantes, Eminence, de la part active que vous avez apportée à l’obtention précieuse qui assurera la survie de notre oeuvre de la Rivière-des-Prairies.»

Lettre de l’Assistante générale au Cardinal Léger, 24 mai 1954, Archives des Soeurs de la Providence

«Dans une lettre circulaire adressée à toutes les religieuses, la Supérieure générale écrit que «sur l’avis de l’autorité ecclésiastique, il fut décidé, quoique avec un profond regret, de céder aux exigences des autorités gouvernementales». Les religieuses n’ont donc pas abdiqué devant les pressions gouvernementales; elles ont consenti aux volontés épiscopales.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.363.

«Un autre facteur, et non le moindre, est que les congrégations avaient le capital financier et humain nécessaire pour investir dans ces domaines. Elles avaient à leur disposition un personnel dévoué, obéissant et non némunéré. En tant que propriétaires du système, les congrégations avaient tous les pouvoirs de gestion sans devoir rendre des comptes à personne».

Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale, Editions Saint-Martin, 1984, p.54

15. Les faux diagnostics

 

«Qu’il y ait eu des faux diagnostics, c’est possible, mais ce n’est pas à nous d’en juger. C’est à la profession médicale. Les religieuses n’ont pas établi de diagnostics.»

Cardinal Jean-Claude Turcotte, Maisonneuve à l’écoute, RDI, 15 septembre 1999

 

«Nous pouvons affirmer que dans l’état actuel de la question, les services complets de diagnostics auprès des enfants déficients mentaux entraînables sont ou inexistants ou inadéquats» (p.13).

Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961.

«Rappelons ainsi que ce Conseil d’administration n’est composé que de religieuses de la Providence, propriétaire de l’établissement, à l’exclusion de tout autre représentant de l’état ou de la collectivité. Il est tellement vrai que ce conseil prend toutes les décisions importantes que, lors de la visite de la Commission, le surintendant se référait à la maison-mère «pour des décisions se rapportant à l’enseignement universitaire et au transfert des malades» deux problèmes qui sont pourtant de nature essentiellement médicale. Il semble donc que le droit de propriété amène avec lui le droit de gérance absolue, même quand il s’agit d’une propriété édifiée, agrandie et entretenue à mème les fonds publics».

Rapport Bédard, Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques, Ministère de la Santé, mars 1962, p.24.

«La figure du surintendant est au coeur du processus d’admission des patients. (…) Selon Henri Dorvil, les admissions des patients en milieu psychiatrique durant les années 1940 et 1950 ne relèvent pas exclusivement d’un médecin ou du surintendant médical. Selon lui, «assez souvent à l’insu du médecin, la Soeur Supérieure, l’évêque, le curé, le député, un notaire, bref une pluralité d’individus pouvaient intervenir pour faire hospitaliser, un individu sans abri ou un enfant abandonné.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, pp.269-270.

«Officiellement, le responsable des admissions est le surintendant médical de Saint-Jean-de-Dieu, mais en pratique… les enfants sont admis à la suite de diverses pressions politiques auprès des religieuses ou sur la recommandation de la supérieure ou pour une série de motifs très variés. (…) L’enquête dirigée par l’abbé Albini Girouard, conclut que malgré l’entente de 1954, suivant laquelle aucun enfant éducable ne devrait être admis au Mont-Providence, les admissions «continuent de se faire sans beaucoup de discernement. (…) Des enfants éducables continuent d’être admis au Mont-Providence après 1954.»

Sous la direction de Marie-Paule Malouin, L’Univers des enfants en difficulté, Montréal, Bellarmin, 1996, p.370.

«On constate qu’un certain nombre d’enfants hospitalisés au Mont-Providence n’ont pas eu d’autres examens (psychiatriques et psychologiques) après leur admission. […] D’autres [notes] n’ont que deux ou trois lignes et laissent à penser que le médecin qui a signé la formule d’internement n’a jamais lui-ême examiné le malade ou ne l’a fait que d’une façon extrêment sommaire.»

Le Conseil des Oeuvres de Montréal, La classification des enfants et de l’organisation des classes au Mont-Providence, annexe au Rapport Bédard, 1960, p.42.

«Tu n’as jamais souffert d’une maladie mentale proprement dite. Les circonstances de la vie ont fait que tu as connu une enfance pénible, voyageant d’une insititution à une autre. Les séjours dans de multiples foyers ont nui à ta scolarisation. […] Aujourd’hui une telle façon de faire serait dénoncée comme inacceptable … […] … laisse-moi te dire que malheureusement la société a erré».

Lettre du Dr Louis Roy, cité par Michèle Coudé-Lord, Journal de Montréal, 5 septembre 1992, p.7.

«A trente ans d’intervalle, mes souvenirs à cet égard sont intacts et très vifs. Pensez-donc: une équipe de psychologues s’en allait examiner des «arriérés» et, notamment en ce qui concernait les performances pratiques ou non verbales, on rencontrait souvent des enfants qui, à ces épreuves, obtenaient des quotients intellectuels de l’ordre de 105 ou de 110. Les résultats présentés dans le Rapport Barbeau-Houle ne mirent pas ce fait en évidence avec la netteté qu’il eut pourtant convenu.»

Jean Gaudreau, L’été 1961 au Mont-Providence de Rivière-des-Prairies (Souvenirs psychométriques à verser au dossier des Enfants de Duplessis), P.R.I.S.M.E., vol.7, no 2, p.338.

«Si l’on examine la Loi sur les asiles d’aliénés (S.R.Q., 1941, ch.188) telle qu’elle était alors formulée, on constate que seules certaines catégories de personnes pouvaient y être admises, soit, d’une part, les aliénés et, d’autres, part, «les idiots et les imbéciles», mais seulement lorsqu’ils étaient «dangereux, cause de scandale, sujets à des crises d’épilepsie ou atteints de difformité monstrueuse», le tout attesté par certificat d’un médecin. En principe, des enfants atteints de déficience légère ou de troubles de comportement bénins ne pouvaient dont être admis dans des hôpitaux psychiatriques. Toutefois, si l’on jette un coup d’oeil sur les formulaires de certificat intégrés à la loi, on observe que leur libellé est beaucoup moins précis que les termes du texte de loi et qu’il semble laisser une marge de manoeuvre d’appréciation aux médecins. Cet élément, et beaucoup d’autres, a pu faciliter les abus qui ont eu cours. (…) Il est à noter que cette loi connaît des modifications importantes en 1950. Désormais intitulée La Loi concernant les hôpitaux pour le traitement des maladies mentales (S.Q., 1950, ch.31), elle autorise l’admission dans ces établissements de <<tout malade chez qui le désordre mental constitue l’élément prépondérant de son état pathologique>>. Cette nouvelle formulation consacre une discrétion médicale presque sans limite.»

René Joyal, Sciences juridiques, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, p.185.

16. Les connaissances scientifiques de l’époque

 

«La déficience, légère ou moyenne, était le diagnostic le plus courant. Déficience intellectuelle ou carence affective? Avec le recul, ce n’est pas toujours clair. Les crières d’évaluation, en ce temps, étaient contestables.»

Soeur Gisèle Fortier, Second regard, SRC, 24 janvier 1993.

«Et les tests de quotient intellectuel, à l’époque, n’étaient pas adaptés à cette population.»

Soeur Gilberte Villeneuve, «Des soeurs se vident le coeur«, Actualité, juillet 1999, p.17.

 

«D’abord qu’est-ce que l’on entend par un enfant sous-doué? On peut dire que c’est un terme discret et générique pour indiquer les anormaux de l’intelligence elle-même; c’est-à-dire ceux qui sont atteints dans leurs facultés supérieures, de jugement, d’acquisition, de perception, de fixation, de compréhension, etc. Du point de vue évolutif, ce sont des arriérés, du point de vue pédagogique, des retardés, du point de vue neuro-psychiatrique, des débiles mentaux ou des imbéciles, présentant en général des troubles importants de comportements de la motricité volontaire; enffin du point de vue anatomo-pathologique, ce sont des systèmes nerveux déficitaires et des encéphales touchés dans leur corticalité, et même quelquefois porteurs de grosses lésions. Ce type d’enfant ne dépasse jamais 75% de la capacité mentale de l’intelligence normale moyenne du même âge, et son développement psychologique ne franchira pas le niveau intellectuel d’un enfant normal de douze ans.»

J.-C. Miller et Alphonse Pelletier, Un problème médico-pédagogique: l’éducabilité, Laval médical, Vol.3, no 7, septembre 1938, p.231.

«Les techniques modernes tels que les tests standardisés ont permis d’évaluer d’une façon assez précise le niveau intellectuel de l’individu. Elles nous ont en même temps permis de constaterla proportion effarante de nos sous-doués, notamment dans les institutions, et surtout chez les enfants qui n’ont jamais connu que l’institution depuis leur naissance.»

Soeur Saint-Michel Archange, s.m., L’institution et le développement social de l’enfant, mémoire, juin 1950, p.18.

«Dans l’état actuel de la science, nous pouvons affirmer que la formation des déficients mentaux entraînables donne des résultats pratiques et appréciables».

Collectif, Le problème du déficient mental entraînable, Rapport du sous-comité des déficients mentaux relevant de la sous-commission des exceptionnels du Département de l’Instruction publique de la province de Québec, 1961, 14.

«Cependant, nous pouvons affirmer que les résultats obtenus représentent un minimum, que placés dans des circonstances plus favorables (milieu familial normal, fréquentation scolaire régulière et à temps complet), la plupart des enfants examinés auraient donné des résultats plus élevés. Les tests psychométriques mesurent surtout le niveau intellectuel fonctionnel. Un milieu d’éducation stimulant assure à l’enfant un niveau de fonctionnement qui se rapproche davantage du niveau potentiel. Il n’existe cependant aucun moyen d’évaluer le retard causé à un enfant par son séjour dans un milieu pauvre.»

Le Conseil des Oeuvres de Montréal, La classification des enfants et de l’organisation des classes au Mont-Providence, annexe au Rapport Bédard, 1960, p.59.

«Malgré tout, les erreurs de diagnostics ne relèvent pas du manque de connaissances psychiatriques, on savait tout de même reconnaître une maladie psychiatrique à l’époque.»

Heinz Lehmann, 55 ans de révolution psychiatrique, L’Actualité, Magazines Maclean Hunter Québec, 15 mai 1993, p.14.

17. La reconnaissance des torts

 

«Faire des excuses, c’est perdre notre temps.»

Cardinal Jean-Claude-Turcotte, Conférence de presse, Assemblée des évêques, Cap-de-la-Madeleine, 15 septembre 1999.

 

«Tout bonnement parce qu’un problème de conscience provoque des réactions extrèmes et que le débat a toujours dévié sur la défense et l’illustration de nos institutions, de nos communautés religieuses, au lieu d’éclairer le problème profond des enfants.»

Gérard, Pelletier, Histoire des enfants tristes, Le Devoir, 12 juin 1950, p.4.

«Trop souvent, malheureusement, la crainte du scandale continue d’influencer nos réactions instinctives et nous fait protéger l’agresseur et une certaine image de l’Eglise ou de l’institution que nous représentons, plutôt que les enfants, impuissants à se défendre dans un duel aussi inégal. (…) Les victimes dénonçaient les systèmes administratifs de l’Eglise en leur reprochant une attitude de camouflage et de dissimulation, plus prête à limiter les dégâts infligés à l’image de l’Eglise par de tels scandales, qu’à prendre en considération la violence grave contre l’identité personnelle des victimes».

Conférence des évêques catholiques du Canada, De la souffrance à l’espérance, 1992, pp.23 et p.28.

«Ils étaient tellement marqués par la proximité des malades mentaux. (…) Ca demeurait toujours qu’ils étaient appelés très souvent des déficients, mentaux arriérés, faibles mentaux, imbéciles mêmes. Et toutes ces appellations, cette catégorisation les a encore marqués. (…) Je ne vois pas pourquoi on les catégorise différent des normaux. En quoi est-ce la normalité? J’ai vraiment l’impression que ces jeunes-là ont droit d’avoir leur place au soleil et de l’avoir à plein et ils sont capables de produire beaucoup pour la société en autant que la société reconnaît leur valeur.»

Soeur Gilberte Villenneuve, Second regard, SRC, 24 janvier 1993.

«Au moment où au Canada français et au Canada anglais on instaure un procès de certaines fautes indéniables commises par des religieux, il faut rappeler que l’enjeu-test du souci des enfants des autres est au coeur des choix d’avenir de notre société.»

Jacques Grand’Maison cité par Jules Béliveau, Les enfants de Duplessis: une condamnation entraînerait une catastrophe, La Presse, 5 septembre 1993, p.A-7.

«Il y a eu des cas d’abus, de mauvais traitements et d’évaluations injustes des personnes. […] Ces allégations interpellent à la fois les pouvoirs publics et les communautés religieuses».

Monseigneur Robert Lebel, L’Église de Valleyfield, Bulletin paroissial

«Tout en tenant compte des réalités sociales, religieuses et étatiques du moment, les membres de la Commission sont convaincus que des préjudices graves et des abus physiques et sexuels ont été subis par un nombre important d’orphelins institutionnalisés. Ces préjudices et ces abus découlent manifestement de gestes et de traitements infligés par des personnes qui avaient la garde de ces enfants et qui ont dérogé aux pratiques et aux moeurs généralement acceptées à l’époque.»

Roger Lefebvre et Marcel Landry, Mandat d’initiative sur les Orphelins de Duplessis, Commission des institutions (Québec), 23 mai 1997.

– Pierre Maisonneuve : – Les orphelins de Duplessis ont-ils raison de revendiquer?

– Gérard Pelletier : Oh! moi, je crois qu’ils ont raison. Je pense que un tel tort a été fait à des personnes humaines que ces personnes-là ont droit de demander une compensation quelconque. Je ne sais pas laquelle. Est-ce que c’est possible de chiffrer ça en dollars? Est-ce que c’est possible pour l’État de débourser ce que ce chiffre représenterait? Je n’en sais rien. Je ne suis pas un administrateur gouvernemental. Mais, il est certain qu’une société juste qui se rend compte de ce qui a été fait à des personnes humaines qui n’avaient absolument pas mérité d’aucune façon d’être traitées comme ça, une société juste veut faire quelque chose pour compenser le tort qui a été fait à ces personnes-là.

Maisonneuve à l’écoute Gérard Pelletier commente la série «Les orphelins de Duplessis», RDI, le 23 mars 1997

– La juge Trahoré – «Lorqu’il y a eu injustice, je pense que la moindre des choses, c’est que les gens le reconnaissent. Surtout s’ils sont toujours des leaders. Ils ont l’influence dans la société parce qu’ils ont un rôle éducatif. C’est la moralité. C’est ce qui nous distingue des autres. Et alors je crois que c’est une responsabilité. Et deuxièmement, il faut offrir une indemnité qui est raisonnable.»

– Le journaliste Lapointe – «Donc un fond d’aide collectif là sans indemnité individuelle, pour vous, c’est une demi-mesure là ce qu’a offort le gouvernement du Québec.»

– La juge Trahoré – «A mon avis, oui, parce qu’ils ont souffert.»

Juanita Wesoreland-Trahoré, Juge à la Cour du Québec, Point de vue, SRC radio AM, 14 mars 1999.

«Par la présente, la Ligue des droits et libertés tient à vous appuyer, comme elle l’a fait déjà en 1992, dans vos démarches pour la tenue d’une commission d’enquête sur le «sort réservé aux Orphelins de Duplessis». Tout comme vous, nous souhaiterions que la lumière soit faite sur les situations difficiles vécues par nombre de personnes à cette époque. Il semble effectivement que les événements passés ont porté atteinte aux droits fondamentaux des personnes. A notre avis, une commission d’enquête aiderait certainement les orphelins à conquérir cette dignité qui leur a toujours été refusée.»

Lettre d’appui de Lucie Lemonde, présidente, La ligue des droits et libertés, 16 mars 1999.

«Oui, le Collège doit sans aucun doute présenter ses excuses. Autres temps, autres moeurs, me direz-vous, mais quand même, il y a eu négligence et complaisance de la part de certains médecins, c’est le moins que l’on puisse dire! La Commission Bédard n’avait pas à proprement parler étudié la situation des orphelins de Duplessis, mais elle a eu des répercussions sur leur sort dans la mesure où elle a favorisé leur sortie de l’hôpital. (…) Ce qui est particulièrement grave, c’est qu’on les ait privés d’éducation à l’adolescence.»

Dominique Bédard, Le collège des médecins du Québec doit-il présenter ses excuses aux orphelins de Duplessis? L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.6.

«Une enquête publique est non seulement souhaitable, elle est indispensable. Les orphelins de Duplessis la souhaitent et je les appuie sur ce point. Une enquête canaliserait leur plainte, assainirait la situation et montrerait que le sort des orphelins est pris au sérieux. On nous répondra qu’elle va coûter cher. Mais ne serait-ce pas précisément l’occasion de régler la dette que l’on a contracté envers ces gens? Si rien n’est fait, ce dossier va rester un fantôme, une tache collective.»

Dr Hubert Wallot, Une enquête publique assainirait les choses, L’Actualité médicale, vo.20, no 13A, avril 1999, p.4.

«Avant même que ne sonne l’arrivée de l’an 2000, Jean-Paul II reconnaît déjà sans détour «le manque de discernement de certains chrétiens devant la situation de violation des droits fondamentaux de l’homme. (…) Lorsque les fautes sont confirmées par une investigation historique sérieuse, l’Église ressent le devoir de reconnaître celles de ses membres et d’en demander pardon à Dieu et aux frères.»

Le pape Jean-Paul II, cité par Louise Leduc, Un examen de conscience incomplet?, Le Devoir, 3 septembre 1999, p.A-2.

«La première fois que j’ai rencontrée Alice, je me suis dit qu’elle fabulait sûrement. Choquée, je suis allé vérifier auprès des Soeurs de la Charité – qui ne savaient pas que j’avais rencontré Alice et qui parlaient à l’époque. Elle m’ont dit sensiblement les mêmes choses.»

Pauline Gill citée par Marie Riopel, Le passé plus qu’imparfait, Présence Magazine, vol.8, no 61, octobre 1999, p.17.

«On peut formuler, de la façon suivante, le problème éthique qui nous est posé: la société actuelle doit-elle reconnaître des torts passés dont elle ne peut être retenue responsable et doit-elle réparer ces torts de façon juste et raisonnable? Je réponds oui à cette double question parce que, premièrement, elle se reconnaît ainsi responsable du bien-être au moins minimal de chacun de ses membres et parce que, deuxièmement, elle se pose, dès lors, elle-même comme société de droit. Elle répare, à ce titre, des torts qui ont résulté de la violation de droits reconnus à une époque antérieure de son développement.»

Gilles Bourque, sociologue, UQAM, Bulletin d’histoire politique, vol.8, no 1, automne 1999, p.181.

Il existe un principe de droit international selon lequel les gouvernements sont responsables des de leurs prédécesseurs. Ce principe siginfie, entre autres, qu’un État a le devoir d’indemniser les victimes de violations des droits de la personne, peu importe le gouvernement au pouvoir au moment de la violation.

Rapport de la Commission du droit du Canada, La dignité retrouvée (La réparation des sévices infligés aux enfants dans les établissements canadiens), mars 200, p.291.